L’organisation du 62e Concours Eurovision est sérieusement grippée, mais l’UER ne veut pas lâcher l’Ukraine.
On connaît l’Eurovision côté face : le strass, les paillettes et la petite pointe de kitsch qu’on adore. Mais il y a aussi l’Eurovision côté pile, l’arrière-boutique et l’organisation du plus gros show à l’échelle continentale. Entre les deux, il y a plus qu’une enjambée du fleuve Dnipro à Kiev…
Ainsi, ces derniers jours, c’est l’hécatombe au sein de l’organisation. Après le choix de la ville qui a été à la hauteur des traditions locales, il y a 10 jours, ce sont les deux producteurs désignés par la télévision ukrainienne qui démissionnaient, faute d’un réel soutien de leur chaîne. La semaine dernière, c’est toute l’équipe qui remettait son sort entre les mains de l’UER. À trois mois de la Finale du Concours Eurovision de la chanson, certaines voix remettent en cause l’organisation en Ukraine.
Pour sa part, l’UER se veut plus rassurante. Dans un entretien accordé, fin janvier, à un magazine russe (Novoye Vremya), le Norvégien, Jon Ola Sand, superviseur pour l’UER, tente de sauver les meubles en vantant les mérites de l’Ukraine. Le patron de l’Eurovision se dit aussi préoccupé par le calendrier, mais reste optimiste. Il en a vu d’autres, comme l’édition azérie à Bakou, en 2012. Avec une autre façon de faire et un autre style… «Le processus de prise de décisions est différent du nôtre», admet M. Sand. «Vous pensez qu’une décision a été validée, mais il vous revient que ce n’est pas le cas. Et ce n’est pas parce qu’on a essayé de cacher quelque chose. Mais dès qu’une solution est proche il y aura toujours quelqu’un qui dira : « Attendez ! Voici une autre solution, elle est bien mieux. » C’est à cette partie de la culture ukrainienne à laquelle nous essayons de nous adapter…»
Autre crainte au sujet de l’Ukraine : la sécurité. L’est du pays est en guerre (et les combats viennent de reprendre de plus belle) et la Crimée a été annexée de force par les Russes. On a vu mieux comme ambiance pour accueillir le gratin des télés européennes. «J’ai été interpellé par nos diffuseurs partenaires», explique-t-il. «Je leur ai répondu, que Kiev est une ville paisible, pas plus dangereuse qu’une autre grande ville d’Europe. Nous coopérons étroitement avec les autorités locales, nous connaissons les statistiques de la criminalité et cela ne cause pas de problèmes.».
Concernant la sécurité globale du pays : «c’était le premier thème de nos échanges avec le Premier ministre de l’Ukraine. Nous avons reçu des garanties détaillées, et chaque délégation sera en mesure de rester totalement à l’aise en Ukraine. Nous sommes conscients de ce qui se passe sur la frontière orientale et, bien sûr, c’est très inquiétant. Mais nous espérons encore que les Ukrainiens comprendront à quel point il est important que cet évènement se déroule sans conflit dans leur pays.»
La présence de la Russie à Kiev inquiète aussi. «Je n’ai aucune raison de penser que la Russie puisse se servir de l’Eurovision pour faire de la provocation», rassure Jon Ola Sand. «Ils savent que s’il y a quelque chose qui va mal, ce sera surtout un coup dur pour l’image de leur pays. De même, les autorités ukrainiennes comprennent qu’un incident avec la délégation russe à Kiev coûtera en terme de crédbilité à l’Ukraine.»
Et de conclure : «Il y a toujours eu des guerres, des conflits ou des malentendus, mais la raison d’être de l’Eurovision est de prouver que nous pouvons nous rassembler autour d’un objectif commun et non-politisé, et c’est le cas depuis plus de 60 ans.»
Les choses semblent bouger à Kiev. Pas plus tard que vendredi dernier, les autorités ukrainiennes ont affirmé (re)prendre les choses en main, taclant au passage les dirigeants de la télévision publique. Depuis cette semaine, les billets pour les shows sont enfin proposés à la vente. L’Eurovision à Kiev devient-il une réalité ?
Pierre Bertinchamps