Julien Vandevenne

Femme de…

Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Léa Salamé aurait-elle dû refuser le poste de sa vie, celui de présentatrice du JT de France 2, sous prétexte que son compagnon pourrait se présenter aux élections françaises dans deux ans ? En 2025, certains ne font toujours pas confiance aux femmes, encore moins si elles sont journalistes…

Nous vous l’annoncions la semaine dernière : dès la rentrée, Anne-Sophie Lapix sera remplacée par Léa Salamé à la barre du «20H» de France 2.

Mais à peine le communiqué de la chaîne publié, que les premières critiques fusaient. La journaliste franco-libanaise aurait le tort de partager la vie de Raphaël Glucksmann, député européen et fondateur de Place publique, mouvement de gauche qui espère jouer un rôle lors du prochain scrutin présidentiel en 2027.

Conflits d’intérêts, jeux d’influence, manque d’impartialité… Interrogée à ce sujet par La Tribune du dimanche, Léa Salamé a répondu que celui qui partage sa vie «est député européen depuis six ans et cela ne m’a pas empêchée de présenter « L’Émission politique » (ndlr : sur France 2) pendant cinq ans, de faire l’interview du 14 Juillet, le débat de l’entre-deux-tours en 2022 ou d’avoir tous les politiques au micro le matin sur France Inter». Et question crédibilité, il est vrai qu’on défie quiconque de la prendre en défaut : jamais ses entretiens n’ont été sujets à polémique.

Pour éviter toute suspicion, elle promet malgré tout de se mettre en congé le temps nécessaire si Raphaël briguait effectivement l’Élysée dans deux ans, comme elle l’avait déjà fait en 2019 en radio lors des Européennes.

Avant elle, d’autres journalistes ont dû faire de même : on se souvient d’Audrey Pulvar (alors avec Arnaud Montebourg), Marie Drucker (avec François Baroin), Béatrice Schönberg (avec Jean-Louis Borloo) ou Anne Sinclair (ex-épouse de Dominique Strauss-Kahn).

À chaque fois des femmes… Il y a quelques années, Thomas Sotto, qui partageait la vie d’une responsable de la communication d’un Premier ministre, a pu échapper, du moins partiellement, à cette mise à l’écart, et continuer à présenter des JT comme si de rien n’était… Qui a dit sexisme ?

«D’Emmanuel Macron à Marine Le Pen en passant par Bruno Retailleau, Edouard Philippe ou Jean-Luc Mélenchon, je n’ai jamais senti dans leurs yeux qu’ils me prenaient pour « la femme de… »», a-t-elle cependant nuancé. «Les temps ont changé et les Français, politiques compris, sont beaucoup plus féministes qu’on ne pourrait le croire.»

Un peu naïve sans doute la brave Léa, car à gauche comme à droite, à la télé ou en dehors, on n’a pas entendu beaucoup de monde s’indigner du sort qui lui est promis. L’un des seuls soutiens notables est venu d’où on ne l’attendait pas forcément : d’Alexia Laroche-Joubert, ex-directrice de la «Star Academy», devenue la patronne de la boîte de production qui chapeaute «Fort Boyard» et «Koh-Lanta».

«Moi ça m’énerve énormément qu’à une femme en 2025, qui est journaliste, on puisse demander, sous prétexte qu’elle est mariée à un politique, un retrait», a-t-elle déclaré sur Europe 1. «À un moment il faut faire confiance aux femmes aussi !»

Cette affaire révèle en tout cas un enjeu de médias et de genre dans notre époque de grands chambardements : garantir l’indépendance journalistique sans pénaliser la carrière des femmes.

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