L’acteur Jean-Louis Trintignant, qui a joué dans 13 films sélectionnés à Cannes depuis la Palme d’or pour « Un homme et une femme » en 1966, confie qu’il n’a « jamais aimé » le festival, qu’il qualifie de « corvée », dans un rare entretien à l’Obs publié jeudi.
« Cannes, c’est une corvée. J’ai jamais aimé. Pendant le tournage de +Happy End+ (le dernier film qu’il a tourné avec Michael Haneke, en compétition à Cannes) il y avait une scène où je devais aller dans l’eau, elle était à 16 degrés, et ça durait trois jours », raconte-t-il. « Alors j’ai dit à la productrice: +Je le fais, mais vous ne me demandez pas d’aller à Cannes+. Elle m’a répondu: +Si vous voulez+. Malheureusement, elle m’a dit après: +Cannes, c’est très important, vous n’avez pas le droit de ne pas y aller+.
Il rappelle l’épisode de la projection à Cannes du film d’Éric Rohmer « Ma nuit chez Maud », en 1969, qui venait après un court métrage « un peu chiant » avec « l’histoire d’un chat qui entrait dans une église ». « Alors bien sûr, quand le film de Rohmer a commencé … encore une église (…) « les gens ont commencé à glousser. Après une demi-heure, nouvelle scène dans une église, et là ils ont franchement rigolé… Ça tient à peu de chose, tout ça ».
Michael Haneke rêverait-il d’une troisième palme d’or, après « Le ruban blanc » et « Amour » ? « Pour lui, c’est important, il aimerait bien continuer à travailler en France », explique le comédien. Selon lui, une palme calmerait « les assurances (qui) nous ont persécutés ». « Le type des assurances, il nous fait peur! Il nous a dit: vous êtes les derniers vieillards! Après soixante-dix ans, on assurera plus personne ».
Trintignant le libertaire moque la Légion d’honneur – « C’est la médaille des voyous » et se dit toujours de gauche. Il fume des cigarettes Che à l’effigie du combattant de la révolution cubaine. « Je suis de gauche, je fume de gauche ».
Le comédien de 86 ans lance aussi, un peu bravache, qu’il « n’aime pas trop le ciné ». « Je préfère le théâtre. J’aurais pu passer toute ma vie à ne faire que du théâtre ». « Pourquoi ne pas l’avoir fait alors? », interroge le journaliste de L’Obs. « Le cinéma c’était mieux payé ».
Il projette de reprendre en décembre au théâtre Antoine à Paris puis l’an prochain aux Célestins à Lyon le spectacle donné il y a deux mois à Pleyel avec l’accordéoniste Daniel Mille et un quatuor à cordes. « On va aussi faire un disque et l’enregistrer à la Maison de la Radio », dit-il. « Je devrais m’arrêter, mais je ne veux pas. Les moments les plus heureux de ma vie, c’est quand je travaille, quand je fais du théâtre ».