«Un bon pot-au-feu», partagé avec des amis et accompagné de bonnes bouteilles. C’est le dernier repas qu’imaginait Paul Bocuse dans une interview posthume, pleine d’humour, publiée par le magazine français Le Point à l’occasion des obsèques du pape de la gastronomie, vendredi en France.
Réalisée entre 2013 et 2017 à l’occasion de plusieurs rencontres, cette interview avait été proposée à un journaliste de l’hebdomadaire par le chef lui-même, à la condition qu’elle passe bien après sa mort, « pas avant ».
Paul Bocuse, décédé samedi dernier à 91 ans, y confiait n’avoir « aucun » regret: « si c’était à refaire, je referais exactement la même chose, à la virgule près ». Pas « effrayé » par la mort, il imaginait vivre « jusqu’à 100 ans », à la condition que la maladie de Parkinson, dont il souffrait, le « laisse tranquille ».
Interrogé sur ce que pourrait être son ultime repas, il s’était prêté au jeu avec sa malice habituelle.
« Avant de répondre à ça, il faut déjà que je choisisse les invités qui seront à ma table. Parce que manger seul au restaurant, quelle tristesse ! La cuisine se partage avec des amis. Alors, soyons fous ! J’aimerais bien dîner avec Antonin Carême, Auguste Escoffier, Fernand Point et, pour la touche féminine, Eugénie Brazier » – autant de noms qui figurent au panthéon de la cuisine française.
« Il n’y aurait qu’un plat au menu : un bon pot-au-feu, qu’on préparerait tous ensemble. On boirait un condrieu et une côte-rotie. J’aimerais quand même tricher un peu et refaire un déjeuner le lendemain pour ne pas gâcher les restes. On pourrait mitonner des tomates farcies. Ah oui, ce serait bon ! », avait-il dit.
Ce qui lui manquera le plus ? « Faire mon petit tour de salle, saluer les convives, avoir un petit mot gentil pour eux et poser pour des photos-souvenirs ici, à Collonges-au-Mont-d’Or ». Sa commune des bords de Saône, près de Lyon (est) où il est né le 11 février 1926 pour y mourir près de 92 ans plus tard, dans la chambre où il est né, au-dessus de son restaurant historique.
Ce globe-trotteur aux trois étoiles Michelin depuis plus d’un demi-siècle, un record, fut le premier à faire sortir les chefs de leur cuisine mais il estimait qu’il était temps « qu’ils y retournent ».
Et de conclure: « si les cuisiniers avaient l’habitude de manger leur cuisine, ce serait certainement meilleur ! Un peu comme si les journalistes relisaient davantage leurs articles, ce serait certainement moins mauvais. Nous ne sommes que des artisans, faut garder les pieds dans les sabots ».