Dans « L’Hermine » de Christian Vincent, en salles mercredi, Fabrice Luchini campe un magistrat bourru et aigri qui va se révéler plus humain qu’il n’y paraît au contact d’une femme aimée autrefois.
Le film a été doublement récompensé à la dernière Mostra de Venise, par le prix du scénario et celui du meilleur interprète pour Fabrice Luchini.
Nouvelle session d’assises à Saint-Omer (Pas-de-Calais) pour Xavier Racine: ce magistrat « aigri, réac, misanthrope », comme le qualifie l’acteur français de 64 ans, y va en traînant la patte car il a la grippe.
« Il est en fin de carrière, il a raté sa vie personnelle en épousant une femme plus riche que lui qui vient de le quitter, il est amer, il vit provisoirement à l’hôtel et plus personne ne le regarde. C’est effrayant de ne plus être regardé », a expliqué à l’AFP le réalisateur, Christian Vincent.
Alors que sortent un à un les noms des jurés du procès pour infanticide que Xavier Racine va présider, l’un va retenir son attention: celui d’une femme, anesthésiste à l’hôpital de Lille, qu’il a aimée autrefois et n’a jamais oubliée.
A ses côtés pendant toute la durée du procès, cette femme, incarnée par l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen (interprète de la Première ministre Birgitte Nyborg dans la série « Borgen »), va le ramener à la vie et lui apprendre la compassion, cette « vertu la plus merveilleuse de toutes », selon Christian Vincent.
Et si l’on croit à cette histoire d’amour qui se noue en quelques jours, tout vient de l’écriture, assure Fabrice Luchini, car « l’acteur ne fait qu’interpréter une partition ». « Mon personnage est un coincé qui se décoince grâce à la puissance amoureuse », résume-t-il.
Le film mêle l’histoire de cet amour (re)naissant à celle du procès, dont tous les rouages sont minutieusement reconstitués.
– Mélange des classes –
« A l’idée qu’on va voir un film sur un procès, on se dit +on va se faire chier terriblement+ mais un miracle s’opère, ça devient passionnant, il y a un moment de grâce, on est invité à entrer dans un procès, où des gens modestes, accablés par la vie, vont être mis en scène », souligne Fabrice Luchini.
« Mon choix d’inscrire une histoire dans une cour d’assises vient de la volonté avant tout de parler de mon pays, et des gens qui la composent », précise le réalisateur.
« On y pratique l’exercice de la démocratie et c’est un lieu extraordinaire, l’un des rares où toutes les classes sociales se mélangent. Avec l’hôpital et, de moins en moins, l’école », ajoute-t-il.
Personnage à part entière du film, le jury est composé d’habitants du nord de la France, « où Marine Le Pen fait 30%, un pays abandonné par la France, un îlot de désespérance », selon Fabrice Luchini.
Le long-métrage accorde beaucoup d’importance à l’envers du décor, aux coulisses, explique le metteur en scène, passionné de Georges Simenon.
L’idée de l’affaire examinée lors du procès lui est venue en parlant avec deux pénalistes: un homme vivant dans une cité s’accuse du meurtre de sa fillette de sept mois, mais des éléments manquent ou sont imprécis: la police a-t-elle voulu aller trop vite en besogne en l’inculpant ?
C’est ce que le président de la cour doit déterminer: « C’est quelqu’un qui met en scène les éléments d’un dossier et qui donne la parole, explique Fabrice Luchini, j’ai adoré ça, être à l’écoute, pratiquer la maïeutique comme le faisait Socrate ».
Avant le tournage, Olivier Leurent, président de cour d’assises, lui a donné ce conseil: « Simplement parler aux gens avec énormément de gentillesse et d’empathie ». Une compétence que Luchini assure avoir eu en lui mais avoir jusqu’à présent « rarement montrée ».