Madness : la revanche de la cité 

Les membres de Madness : Chas Smash, Mike Barson, Graham McPherson alias Suggs, Mark Bedford et Dan Woodgate © Getty Images

Sur un rythme agité et enivrant, ce groupe a apporté à la jeunesse du début des années 1980 un son (presque) nouveau et un style de danse aussi fou que lui : le ska ! Ce mercredi à 22h30, Arte diffuse « Madness – Prince du ska, roi de la pop ».

Tout le monde se souvient du Jubilé de Diamant d’Elizabeth II, en 2012, pour plusieurs moments cultes, parmi lesquels le vrai-faux saut en parachute de la Reine avec 007 et Madness électrisant la foule avec son hit « Our House » sur le toit de Buckingham Palace ! Pour la petite histoire, le groupe eut le privilège de performer aussi haut après une crise d’ego qui avait mobilisé la scène principale : Elton John et Paul McCartney refusant de se succéder au même piano et exigeant un changement d’instrument. C’est donc grâce à un caprice de méga stars que des ex-jobistes paumés des années 1970 ont eu la meilleure place.

Révolte avec humour

Cet honneur, ils l’ont aussi connu en vendant des millions d’albums et en restant à la mode avec un style de musique tout en révolte et en humour, qui parle encore aujourd’hui aux jeunes en difficulté. Les sept membres de Madness (re)viennent de loin et ne l’ont jamais oublié. Longtemps, ils ont ressemblé aux chômeurs du film « The Full Monty » ou à ceux de « Billy Elliott », broyés par la politique intérieure sans concession de Margaret Thatcher.

« Je suis toujours ravi d’être catalogué comme étant d’un groupe issu d’une classe modeste », s’amuse Graham Macpherson, alias Suggs, chanteur principal de la formation depuis ses 16 ans. « Ne serait-ce que parce que dans notre jeunesse, on vivait en HLM, on faisait de petits boulots pour joindre les deux bouts et qu’aucun de nous n’avait eu une éducation particulièrement respectable. » Leur hit « Our House », décrivant un logement social, reste ainsi l’hymne national le plus populaire des classes ouvrières british.

Liberté et espoir

Les interprètes de « It Must Be Love » doivent aussi leur notoriété à un genre musical et chorégraphique : le ska. Né dans les fifties en Jamaïque, ce style exprime le désir de liberté et la colère d’une frange de la société black. Lors des deux décennies suivantes, il s’exporte en Grande-Bretagne avec les immigrants antillais. Présent aussi aux États-Unis et en France (avec le morceau « Murky Turkey », de Richard Sanderson, dans le film « La Boum » en 1980 !), le ska, bien que réinterprété selon le pays, est considéré comme un baromètre par les historiens et musicologues, indiquant où et quand les institutions déçoivent leurs citoyens. « Il les incite à réinventer la création pour redonner du sens à la vie », explique Heather Augustyn (auteur de « Ska : the Rhythm of Liberation »). « Cette musique de liberté s’est répandue partout où l’on célébrait les rythmes et les sons de l’espoir. » Madness la réassaisonne avec goût.

Aller de l’avant

Et il fait un carton en 1979 avec « One Step Beyond » (ndlr : un pas en avant), reprise déjantée d’un hit jamaïcain de 1964 et agitée par les notes d’un saxophone effronté. Le début du morceau, a capella, prévient les auditeurs : « Hé, toi ! Ne regarde pas ça ! Regarde ceci ! C’est du très lourd, c’est un son monstrueux ! » Cette chanson transmet « le » message par excellence de Madness : même si tout part à vau-l’eau, refusons de céder à la déprime. Aujourd’hui, l’œuvre continue d’être fabuleusement exutoire. Et cela fait tellement de bien !

Cet article est paru dans le Télépro du 19/6/2025

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