Mégastar de son époque, l’actrice et chanteuse (1901-1992) fut aussi une enjôleuse insatiable dont le magnétisme piégea l’un des plus grands romanciers du monde. Ce lundi à 23h15, Arte raconte cette histoire dans « Marlene Dietrich et Erich Maria Remarque – La passion et l’exil ».
À Venise en 1937, quand « L’Ange bleu » rencontre Erich Maria Remarque (1898-1970), auteur du célèbre roman pacifiste « À l’Ouest, rien de nouveau », symbole de droiture et d’esprit de liberté face aux atrocités de la Première Guerre mondiale, tous deux sont au faîte de leur carrière. D’origine allemande, ils s’érigent publiquement contre le régime nazi auquel ils ont tourné le dos en quittant leur pays. Leur histoire va durer trois ans, entre passion et tumultes, inspirant à Erich un autre best-seller encore lu aujourd’hui : « Arc de triomphe ».
Arc-en-ciel avant la tempête
L’interprète de « Lili Marleen », 36 ans, est alors sur un nuage. Et malgré la rumeur selon laquelle Remarque, 39 ans, aurait été impuissant, elle confiera plus tard à l’un de ses biographes : « J’étais si heureuse ! Nous lisions, dormions, étions très tendres. Tout était si merveilleusement facile. Mon Dieu, comme j’aimais cet homme ! » Avant de choisir d’aller se mettre à l’abri à Hollywood, les amants s’échangent des centaines de missives enflammées. L’écrivain surnomme Marlene « Mon doux arc-en-ciel avant la tempête » ou « Mon aurore boréale, flamme au-dessus de la neige ». Mais l’auteur idéalise à outrance cette relation…
Car Dietrich adore séduire et cumuler les conquêtes, trompant Erich avec la star de cinéma Douglas Fairbanks Jr., puis avec une femme, la navigatrice britannique Joe Carstairs. Remarque encaisse, s’enivre dans les soirées mondaines et écrit à sa maîtresse terrible : « Si on le souhaite, je peux être une petite lesbienne absolument charmante. » Mais celle qu’il surnomme aussi le puma, puisqu’elle refuse d’être mise en cage et peut blesser douloureusement, met fin à leur relation en 1940.
Vulnérabilité enfantine
Remarque, bien qu’intellectuel sérieux, la supplie de revenir : « Aime-moi ! Je crie vers toi avec un tel désespoir car tu es l’unique accomplissement de tous mes désirs ! » En vain. Jean Gabin, qui avait aussi succombé à la diva, déclara un jour : « Cette pouliche est impossible à dompter ! » Même la fille de Marlene, Maria Riva, observe le désarroi des hommes ensorcelés par sa mère et a de la peine pour Remarque dont elle dira dans ses mémoires : « Ce qui m’a le plus touchée, c’était son étonnante vulnérabilité. On ne s’attendait pas à ce que l’homme qui a écrit le livre de référence sur l’expérience personnelle de la guerre, portant sa gloire et son destin avec une acceptation confiante, ait une telle innocence enfantine. » Écorché à vie, l’auteur peine à sortir de ses tourments, affronte aussi son inquiétude quant à la Seconde Guerre qui gronde et tient grâce à l’écriture. Et à l’alcool…
Illusion grandiose
Bien des années après la mort des ex-amants (Erich s’éteint en 1970, Marlene en 1992), quand leurs échanges épistolaires sont publiés (« Dis-moi que tu m’aimes », éd. Stock), les éditeurs déclarent : « Cette correspondance montre que c’était une illusion grandiose pleine de mensonges. Mais Remarque n’a jamais été un écrivain plus sincère que dans ses lettres à sa froide partenaire. »
Cet article est paru dans le Télépro du 4/9/2025