Dans le film «Cessez-le-feu» (en salles ce mercredi), l’acteur livre une interprétation magistrale et émouvante en soldat abîmé par la Grande Guerre.
Au sortir des tranchées, Georges se retire de la société durant quatre ans. Quand il retrouve les siens, l’homme tente, grâce à un nouvel amour, de redevenir lui-même…
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Romain Duris revient sur ce récit prenant qu’est le film «Cessez-le-feu», d’Emmanuel Courcol, actuellement à l’écran.
Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette poignante aventure ?
J’étais intéressé par le parcours de personnes qui, comme Georges et son frère Marcel, reviennent de drames avec des blessures qui se voient et d’autres invisibles, mais peut-être plus insupportables. Ces meurtrissures psychologiques sont difficiles à apaiser. J’aime ce genre de personnage où le chaos est enfoui en son for intérieur. Il ressort par bribes au gré de ses rencontres.
Comment avez-vous préparé ce commandant abîmé par la guerre ?
J’ai tiré beaucoup d’émotions du documentaire «Des hommes et de la guerre» («Of Men at War») qui observe des combattants revenus d’Irak. Ils passent quelques jours en cellule d’aide psychologique. On voit leur masse musculaire s’effondrer tout à coup ou leur corps se bloquer, se replier totalement, car ils n’arrivent pas à mettre des mots sur les images qui les hantent. Cela m’a bouleversé. Ensuite, des livres sur la Première Guerre mondiale m’ont permis de compléter des infos sur le plan historique. C’est si effroyable que tout cela m’a habité durant le tournage.
Quel a été le plus troublant pour vous ?
La vie des tranchées où on peut perdre la vie à chaque minute. Puis, le retour de ces hommes qu’on n’a pas aidés à se réinsérer. Au contraire, on les a repoussés, cachés pour permettre à la jeunesse de vivre les années folles avec insouciance. Donc, aucune reconnaissance pour ces héros ! Je ne peux même pas imaginer comment j’aurais réagi à leur place. Aurais-je été lâche ou vaillant ? Impossible à entrevoir… De plus, quand ces soldats étaient blessés, on les soignait tant bien que mal et on les renvoyait au front ! Aujourd’hui, on ne ferait plus cela. C’est une autre époque et une autre réalité.
Ces dernières années, vous cumulez des rôles forts et magnifiques, sans doute dus à la maturité. À 42 ans, pensez-vous être dans la meilleure partie de votre carrière ?
Je ne prends jamais de recul sur mon parcours. Mais j’ai l’impression d’avoir eu de la chance dès le début, avec Klapisch, Audiard, Chéreau. Chaque rôle m’aide à aborder le suivant, à repousser mes limites, c’est superbe.
Entretien : Carol Thill
Juste avant ce film, vous aviez tourné «Une nouvelle amie» (de François Ozon) où vous aviez travaillé la féminité. Ici, ce fut un rôle très viril. Était-ce plus aisé à jouer ?
Les deux ont été compliqués. J’ai travaillé avec la même chorégraphe : elle m’a poussé à avoir des postures physiques spécifiques. À chaque fois, il a fallu des heures de répétitions pour que mes gestes se transforment, que chaque démarche devienne naturelle. J’ai dû gommer tout ce que je suis au quotidien, toute spontanéité. Ici, il m’a fallu apprendre à avoir un pas lent, lourd, à ancrer mes pieds dans la terre, à rester droit sans paraître coincé. La virilité à son paroxysme est tout aussi complexe à exprimer.
La fin du film est teintée d’espoir mais reste ouverte. Aimez-vous ce genre d’épilogue ?
Assez, oui. Mais je parle toujours de la structure du récit avec le réalisateur. J’ai besoin de dire ce que je pense, même si après on opte pour un choix contraire au mien. Je l’accepte. Je préfère des films où le metteur en scène ne donne pas, d’un coup, toutes les clés du suspense à la fin. Le public en ressort moins riche.
Ces dernières années, vous cumulez des rôles forts et magnifiques, sans doute dus à la maturité. À 42 ans, pensez-vous être dans la meilleure partie de votre carrière ?
Je ne prends jamais de recul sur mon parcours. Mais j’ai l’impression d’avoir eu de la chance dès le début, avec Klapisch, Audiard, Chéreau. Chaque rôle m’aide à aborder le suivant, à repousser mes limites, c’est superbe.
Entretien : Carol Thill