Alain Wagener («Tram en commun») : «C’est quelque chose qu’on ne vit qu’une fois dans sa vie»

Alain Wagener © Qu4tre
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

L’émission de Qu4tre (Liège) sur l’épopée du tram arrive à son terminus.

Ce mercredi soir marque la fin d’une époque sur Qu4tre : le programme court didactique sur le chantier du tram de Liège, « Tram en commun », s’arrête après 7 saisons. Le premier numéro remontait à mai 2019.

Aux commandes, Alain Wagener, que les Liégeois connaissent s’ils suivent les JT de la télévision locale. C’est sur la radio associative Equinoxe FM que le journaliste a démarré sa carrière, en tant que directeur. Ensuite, il a collaboré avec Bel RTL sur le sport, puis est arrivé à RTC Télé Liège (devenue Qu4tre), où il travaille depuis plus de 20 ans.

Comment est né le projet « Tram en commun » ?

Quand on a eu la confirmation que le tram allait se faire, j’ai proposé à la direction de RTC de faire ce programme. C’est un dossier important pour Liège et en tant que média local, je trouvais intéressant qu’on en parle. J’ai d’abord proposé un suivi de semaine en semaine. Ça m’a un peu échappé… et puis ma direction a mis en place les choses pour en faire une émission à part entière. On ne pouvait pas ne rien faire…

Ce n’est pas un programme « concédé » du TEC…

Pas du tout. L’idée venait de chez nous. Ensuite, il y a eu des contacts avec l’OTW (opérateur wallon qui chapeaute le TEC, NDLR) et la Ville de Liège.

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Un contrat de confiance

Ne craigniez-vous pas de faire un programme avec juste des pelleteuses qui éventrent les rues ?

Objectivement, nous partions vers l’inconnu. Comme pour tout reportage, que ce soit au JT ou dans un magazine, on fait appel à des personnes qui peuvent nous tuyauter. À ce niveau-là, nous avions un engagement de l’OTW, de la Ville et du consortium Tram’Ardent. Ils avaient chacun un responsable de la communication. Le projet a pu débuter après une première réunion. Ces personnes étaient des facilitateurs pour moi, mais comme aujourd’hui, si je dois faire un sujet sur Cora ou autre… je vais appeler la communication du groupe pour avoir l’interlocuteur le plus pertinent, et le mieux à même de traiter le sujet. Au départ, on a beaucoup utilisé cette piste-là. Quant aux sujets, il y avait des évidences : « Pourquoi un tram à Liège ? », « Qui sont les acteurs en présence ? »,… De fil en aiguille, ces interlocuteurs sont devenus moins présents, parce qu’à force de rencontrer les gens sur le chantier, nous avions les numéros directs.

Vous avez pu aller, par exemple, visiter l’usine qui a construit le tram (CAF), en Espagne…

La relation de confiance s’est créée progressivement, et comme on avait ce travail de semaine en semaine, l’émission était devenue un point d’entrée de l’information. Ce n’est pas spécialement moi qui ai demandé à aller visiter tel endroit. On nous prévenait qu’il y allait avoir des Liégeois qui partaient visiter d’autres villes où un tram est présent comme Luxembourg ou Nantes. On a fait plusieurs voyages pour voir le constructeur de l’aiguillage, au Luxembourg. Nous sommes allés assister à une visite de validation des rames en Espagne, on a fait pareil avec les stations de tram, en France… Notre premier voyage, c’était à Besançon où nous voulions montrer aux Liégeois, une ville similaire avec un tram.

La petite souris

De 3 saisons (2 années) au départ, vous clôturez en fin de septième saison. Vous avez dû improviser pour tenir jusqu’au bout ?

Il faut tenir compte de la période du covid où la saison a été fortement interrompue. Je n’ai pas eu peur de ne pas trouver de sujets, parce qu’il y a tellement d’éléments qu’on ne soupçonnait pas. C’était aussi l’intérêt de « Tram en commun » : être un peu la petite souris. Nous devions être attentifs à ce qui se passait et parfois faire preuve de créativité, mais il y a tellement d’aspects et de choses inattendues. Par exemple, pour une petite portion de la ligne, on a remplacé des chaudières chez les gens. On a retiré celles au mazout pour celles au gaz parce qu’on ne pouvait pas laisser des camions citernes bloquer la ligne pour fournir du mazout. Il y  a aussi une multitude de métiers qui tournent autour de la construction d’un tram qu’on a pu mettre en avant et puis, il y a eu la formation des agents et les exercices des pompiers. Parfois, des sujets tombaient trop courts par rapport à l’enregistrement, et comme je n’avais qu’une journée de tournage et une journée de montage, on n’a pas su tout montrer non plus. On n’a jamais réussi à avoir une émission de réserve, mais globalement, on s’en est bien sorti…

Aviez-vous des demandes spécifiques des téléspectateurs ?

C’est arrivé sur les deux dernières saisons. La raison est qu’on arrivait à la fin du chantier, et qu’on commençait à « voir » du concret. Dès qu’on a commencé à filmer les rames à Liège, les gens voyaient la réalité du tram, et en parallèle, la ville changeait de visage.

Avez-vous une passion pour les transports en commun ?

Au départ, je n’étais pas du tout intéressé par ce domaine-là. Je le suis un peu plus aujourd’hui, je l’avoue. Par contre, j’aime bien que dans une ville, on trouve un tram ou un métro, mais je ne suis pas du tout un passionné. Je suis viscéralement convaincu de l’intérêt de la presse locale, et quand on entame un chantier sur 12 kilomètres en ville pour y installer un nouvel outil de mobilité, c’est quelque chose qu’on ne vivra qu’une fois dans sa vie ! On ne pouvait pas passer à côté.

Petit regret…

On vous a laissé conduire le tram ?

Malheureusement non…  mais ça aurait pu. Nous sommes allés, en 2021, à Nantes pour aller filmer l’instruction des futurs formateurs du TEC. On est monté avec eux dans le tram, et le moniteur nous avait proposé de conduire quelques mètres un tram lorsque nous rentrions au dépôt pour « savoir ce que ça faisait ». Mais on a dû descendre du tram pour faire des images de coupes de la ville pour les besoins du reportage, et on n’est jamais rentrés au dépôt…

Est-ce que votre vision de la mobilité a changé ?

Non, mais ça m’a permis de comprendre plus de choses techniques. Je reste convaincu qu’un tramway est un bel outil. Je suis un usager des transports en commun qui les utilisent autant que je peux.

« Tram en commun » a intéressé d’autres régions ou pays ?

Personnellement, j’adorerais parce qu’on est arrivé à faire quelque chose qui mériterait d’être partagé avec d’autres confrères. La réalité d’un constructeur ne prend pas en compte la réalité de l’équipe télé. J’aurais une expertise à apporter. À ma connaissance, il n’y a pas eu d’intérêt ailleurs. Par contre, on a été très suivis par les gens qui ont fait le tram, ici, à Liège, grâce aux réseaux sociaux. Ça leur a permis, notamment aux personnes étrangères venues à Liège pour travailler, de montrer ce qu’ils faisaient à leur famille. L’émission était bien connue et très regardée en France. J’ai encore reçu un mail de Bordeaux, il y a quelques jours…

Une aventure humaine

Ce soir, ce sera la dernière. Il va y avoir un « manque » ?

Oui, c’est évident. Depuis 6 ans, en août, je préparais la reprise et je cherchais mes sujets pour les numéros à venir. Dans ce genre de projet, on savait aussi qu’il y aurait une fin. Le manque sera plutôt au niveau humain. J’ai rencontré des gens chouettes… On est arrivé à ce que des techniciens nous accordent leur confiance et nous tuyautent, avec parfois des accès exclusifs, parce qu’ils savaient qu’on allait correctement faire le job… Cette relation va s’éteindre. Certains ingénieurs sont déjà repartis.

Le succès du tram de Liège, c’est un peu grâce à vous ?

L’émission a été un succès, certainement. On m’en parle énormément… Il y a eu des « haters » qui – par principe – ne supportaient pas l’idée du tram. On ne les a pas convaincus… Nous voulions vraiment rapporter aux gens ce qui se passe dans leur ville. D’un autre côté, pour une partie des Liégeois, ils n’ont pas eu le choix. On a retiré des bus, en centre-ville, pour mettre un tram. Je pense que « Tram en commun » a permis d’avoir une vision plus juste sur le dossier. C’était devenu un rendez-vous qu’on attendait. Certains m’écrivent pour dire qu’ils seront tristes de ne plus la voir, le mercredi soir. J’ai même eu vent de personnes qui faisaient des soirées «  de rattrapage » du programme. C’est plutôt sympa comme idée.

Interview : Pierre Bertinchamps

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