Claude Schmitz : « Il faut s’affranchir des genres ! »

Olivier Rabourdin (Gabriel Laurens)et Louise Leroy (Jade Laurens) dans un filmqui revisite les mythes du cinéma américain © TIPIK

Entre polar, western et série B, le réalisateur belge signe un film loufoque et symbolique.

Gabriel Laurens est un détective privé spécialisé dans les affaires conjugales. Quand sa nièce Jade déboule pour lui demander d’enquêter sur la mort de son père, frère jumeau de Gabriel, il voit resurgir des souvenirs qu’il pensait enfouis pour toujours. Rencontre avec le réalisateur de « L’Autre Laurens », diffusé samedi sur Tipik : Claude Schmitz.

Claude Schmitz, femme fatale, détective privé, bikers, flics corrompus… le film est pétri de figures du cinéma américain, pourquoi ?

Enfant, j’ai vécu dans un pensionnat où un père nous faisait découvrir des films d’auteurs. J’avais 12 ans et je découvrais des histoires obscures qui me fascinaient et auxquelles je ne comprenais rien. Kurosawa, Bergman, Loach… furent mes premiers chocs esthétiques. Après, je suis passé dans un autre internat où on nous donnait à voir tous les films de séries B américains de l’époque, avec Chuck Norris, Steven Seagal, Stallone… Des films aux schémas narratifs simplistes et caricaturaux qui se sont, eux aussi, inscrits dans mon imaginaire. J’avais envie de faire un film qui évoque cette tension, cet héritage schizophrène.

Votre film se situe près de Perpignan, à la frontière de l’Espagne, comment avez-vous choisi ce lieu ?

Le « décor » de la Maison-Blanche est situé en Dordogne, c’est le château de Rastignac. Certains historiens affirment qu’il servit de modèle au bâtiment situé outre-Atlantique. Il est avant tout un support à la rêverie, symbolique et mystérieux. C’est la pierre angulaire de notre histoire. Ici, il est placé sur un territoire composite où se confrontent Français du Sud-Ouest, Américains et Espagnols, près de Perpignan, non loin de la frontière espagnole… Dans le film, celle-ci est traitée comme une frontière mexicaine locale. Par ailleurs, le film se termine dans le désert en Espagne, où furent tournés de nombreux westerns spaghetti, qui évoque le Grand Canyon. Tout le film joue sur un aspect fantasmatique. La tension entre territoire européen et américain y est déclinée partout. Et comme c’est un film sur la question de l’identité, une boîte de nuit y porte le nom du château d’Hamlet.

Vouliez-vous montrer que le cinéma indépendant d’auteur peut avoir une immense ambition romanesque ?

La vraie liberté consiste à s’affranchir des frontières propres aux genres. Je cherche à faire un cinéma transgenre. Tout ce qui est « trans » est le futur. Proposons des formes libres et baroques comme Shakespeare le faisait avec son théâtre ! La tragédie s’y frottait à la comédie, le sublime au trivial, la fiction à la réalité, les pièces proposaient des digressions, des ruptures, des contretemps, des accélérations… Son œuvre est profondément hybride et transgressive.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/08/2025.

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