Histoire vraie : Clémentine Delait, une femme au poil !

La femme à barbe posa pour des cartes postales qui firent sa renommée bien au-delà des Vosges © Getty Images
Julien Bruyère Rédacteur en chef adjoint

Mardi à 20h30, La Trois nous propose de rencontrer la nouvelle héroïne hors du commun de la réalisatrice Stéphanie Di Giusto : « Rosalie ».

Rosalie (Nadia Tereszkiewicz) épouse Abel (Benoît Magimel), un tenancier de café criblé de dettes, qu’elle espère pouvoir aider grâce à sa différence : une magnifique barbe. Rosalie est inspirée de Clémentine Delait, célèbre femme à barbe qui fascina la France, puis toute l’Europe, au tournant du XXsiècle. Qui était cette femme qui refusa d’être réduite à un phénomène de foire ?

Fières bacantes

Le 5 mars 1865, naît dans une ferme des Vosges une petite fille robuste : Clémentine Clattaux. Sa jeunesse est comme « celle de toutes les filles de la campagne, rude et laborieuse », raconte-t-elle dans un petit carnet sur lequel elle a couché ses mémoires. Mais de normalité, à l’adolescence, il n’en est plus question : « À 18 ans, ma lèvre supérieure s’agrémentait déjà d’un duvet prometteur qui soulignait agréablement mon teint de brune. » Clémentine se rend régulièrement chez le barbier, mais assume fièrement sa petite moustache.

Mariage au poil

À 20 ans, sa pilosité envahissante ne l’empêche pas de séduire Joseph Delait. Elle l’épouse et ouvre avec lui un café-boulangerie à Thaon-les-Vosges où se pressent les clients. Quand Joseph, atteint de rhumatismes, ne peut plus assumer sa profession de boulanger, le couple ouvre un café. Surveillés par cette femme de caractère à l’impressionnante stature – « 90 kilos à 30 ans et presque 100 à 40 ans » -, les hommes se tiennent à carreau. C’est d’ailleurs l’un de ses consommateurs qui va faire basculer son destin. Celui-ci lui promet 500 francs si elle laisse pousser sa barbe. Pari tenu.

Clémentine s’éclipse deux semaines avant de réapparaître avec une superbe barbe et un nouveau nom pour son débit de boissons : « Café de la femme à barbe ». « Je craignais les moqueries de mes compatriotes. Au contraire, ils se sont montrés fous de moi. Mon café ne désemplissait pas », confie-t-elle dans ses écrits. La renommée de Clémentine dépasse les frontières vosgiennes. Elle pose pour des photographes, obtient l’autorisation officielle de se vêtir en homme pour les clichés dont sont tirées des cartes postales qu’elle signe à ses admirateurs.

Sapée pour Saint-Pierre

Durant la Première Guerre mondiale, elle s’engage auprès de la Croix-Rouge et devient la mascotte des Poilus, qui s’échangent ses photos dans les tranchées. En 1919, le couple adopte Fernande, une orpheline de guerre. La popularité de Clémentine explose. Les têtes couronnées d’Europe veulent la rencontrer et le célèbre cirque Barnum tente de la recruter contre une coquette somme. Mais son mari est souffrant, elle refuse de le laisser.

En 1928, lorsque celui-ci meurt, elle emmène sa fille en tournée en Europe. À la fin de sa vie, Clémentine retourne chez elle, à Thaon-les-Vosges, où elle ouvre un bar dans lequel elle se produit, avec Fernande et un perroquet. « Pour l’ultime voyage vers Saint-Pierre, m’habillerai-je en homme ou en femme ? On dit que les femmes n’entrent pas facilement dans ce fabuleux séjour », dit-elle, un jour. Qui sait comment elle est vêtue le 19 avril 1939, quand une crise cardiaque l‘emporte, à 74 ans… Elle est enterrée aux côtés de son mari, avec l’épitaphe qu’elle souhaitait : « La femme à barbe ». 

Cet article est paru dans le Télépro du 27/11/2025

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