
Le triste destin de Madame Tchaïkovski
Tchaïkovski est le plus romantique des compositeurs russes… Mais son mariage fut une tragédie !
De Tchaïkovski, on connaît les concertos, les symphonies, mais surtout les ballets : « Casse-Noisette », « La Belle au bois dormant » ou « Le Lac des cygnes ». Piotr Tchaïkovski (1840-1893) est le maître du romantisme russe. Mais sa vie amoureuse n’a rien de romantique… Comme la raconte « La Femme de Tchaïkovski », le film du cinéaste russe Kirill Serebrennikov proposé lundi soir sur Arte.
Clouer le bec
« Je veux me marier ou avoir une relation publique avec une femme pour clouer le bec à tous ces salauds », écrit Tchaïkovski à son frère en 1876. Le compositeur a alors 36 ans et déjà une petite notoriété. Problème : il est homosexuel. Et des rumeurs de plus en plus persistantes en font état à Moscou. Tchaïkovski le sait : cela peut nuire à sa carrière. Voire l’arrêter net. Il a renoncé à son poste de fonctionnaire au ministère de la Justice pour se consacrer entièrement à son art. De quoi vivrait-il s’il était banni de la bonne société ? Il n’a pas le choix : il doit se marier. Tchaïkovski n’a absolument aucune inclination pour les femmes. Pas même une amie à qui il pourrait demander sa main pour un mariage de convenance. C’est alors qu’il reçoit la lettre d’une ancienne élève qui lui déclare sa flamme. Antonina Milioukova a 29 ans, elle issue de la petite noblesse, elle pourrait faire l’affaire…
Une affection fraternelle
Le mariage est célébré le 30 juillet 1877. « On aurait cru un enterrement », écrira la sœur d’Antonina en se remémorant le banquet de noces. Le compositeur est évacué ivre mort. Il a bu à l’excès pour oublier le « oui » fatidique qu’il vient de prononcer. Les choses auraient pourtant pu se passer calmement. Tchaïkovski avait prévenu sa future femme qu’il n’envisageait avec elle qu’une affection fraternelle. Mais Antonina, complètement amourachée du compositeur, refuse de se rendre à l’évidence. Elle se languit de désir pour son époux, alors que lui n’envisage pas de consommer le mariage. La situation se détériore très vite. Au surlendemain des noces, Tchaïkovski écrit à son frère : « Elle ne m’inspire que de la répugnance. » Quelques heures plus tard, il quitte le domicile conjugal pour aller se réfugier chez sa sœur, dans le Caucase.
Pathétique
De retour à Moscou le mois suivant, Tchaïkovski est pris de nausées en voyant sa femme souriante qui l’attend sur le quai de la gare. Dans les jours qui suivent, ces nausées se transforment en de terribles angoisses. En septembre, moins de deux mois après la noce, le compositeur tente de se suicider en se jetant dans les eaux de la Moskova. Il en réchappe, mais demande le divorce. Ce bref mariage détruira à jamais Tchaïkovski et son épouse. Elle mourra dans un asile d’aliénés. Lui s’éteindra officiellement du choléra, après avoir bu par inadvertance un verre d’eau non bouillie. Mais il est possible qu’il se soit suicidé, après avoir séduit un jeune garçon proche de la famille impériale. Sa dernière composition est la symphonie n° 6, dite « Pathétique ».
Cet article est paru dans le Télépro du 8 mai 2025.
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