Yowa-Angélys Tshikaya : «J’attaque avant d’être attaquée»

Yowa-Angélys Tshikaya © Nicolas ROBIN - CG Cinéma - France Télévisions
Nicole Real Journaliste

Diffusés d’une traite lundi dès 22h45 sur France 2, les neuf épisodes de « Bistronomia », série événement couronnée du prix du Meilleur scénario au dernier Festival de la Fiction de La Rochelle, nous plongent en 2005, dans les coulisses d’un restaurant étoilé.

Rencontre avec l’interprète d’une jeune apprentie déterminée, Yowa-Angélys Tshikaya, qui crève l’écran.

Votre prénom, très original, a-t-il une signification particulière ?

Après quelques recherches, j’ai découvert que, dans l’Égypte antique, il renvoyait à la naissance, la mort et la résurrection.

Étiez-vous stressée à l’idée de jouer le rôle principal, l’apprentie cheffe Johanna Diallo ?

Au début, je n’en ai pas pris la mesure. En lisant le scénario, j’ai compris que mon personnage apparaissait dans presque toutes les scènes. Quand mon agent m’a annoncé que j’étais engagée, j’ai réalisé que c’était un premier rôle. J’ai été très anxieuse, mais surtout, immensément heureuse.

Comment l’avez-vous appréhendé ?

En découvrant le contexte – un restaurant doublement étoilé, une jeune femme noire, seule en cuisine face à une brigade majoritairement masculine et blanche -, j’ai recherché, dans la réalité, des profils proches de Johanna Diallo pour bien ancrer le personnage.

Avez-vous trouvé une cheffe en particulier pour vous en inspirer ?

Oui. L’an dernier, alors que je traversais une période de stress à Marseille, j’ai rencontré Foulématou Kakaroto Bangoura, cheffe autodidacte qui m’a prise sous son aile. Pendant deux semaines, j’ai intégré sa brigade et ressenti physiquement le rythme effréné d’un service en restaurant.

Avez-vous suivi une formation pour tourner les scènes culinaires ?

Mes deux semaines à Marseille m’ont aidée à maîtriser la gestuelle des préparations, ce qui m’a permis de tourner toutes les scènes en cuisine. Pour compléter ou ajouter certains détails, une doublure est intervenue deux heures.

Ressentez-vous des points communs avec Johanna ?

Comme elle, par pudeur, je dissimule souvent mes émotions. Je suis sur la défensive, j’attaque avant d’être attaquée, par peur d’être trahie ou utilisée. Elle, comme moi, riposte parfois avant même qu’on ne lui marche dessus.

Cette série dévoile les coulisses d’un grand restaurant. Qu’en pensez-vous ?

J’ai travaillé en salle, jamais derrière les fourneaux, et j’ai été choquée par la brutalité et la misogynie ambiantes des années 2000. J’ai été écœurée par la manière dont les femmes, en général, étaient traitées. Malgré tout, l’abnégation des chefs, prêts à se consacrer corps et âme à leur art, m’impressionne.

En tant que jeune femme noire, avez-vous le sentiment de devoir vous battre deux fois plus ?

Oui. Au cinéma et, plus largement, dans les milieux artistiques – musique, peinture, mannequinat -, la concurrence est féroce. Par rapport à une femme blanche, pour parvenir au même résultat, il faut souvent fournir deux fois plus d’efforts, surtout en France.

Pourquoi ?

La situation a évolué par rapport aux décennies précédentes, ce qui m’a permis d’obtenir ce premier rôle. Les femmes sont plus présentes à l’écran et ne sont plus seulement « la petite amie de service », mais il reste encore une vraie marge de progression.

Avant cette série, aviez-vous déjà un lien fort avec la cuisine ?

Oui. Avec mon oncle, chef et professeur en école de cuisine dans le Sud, il n’était pas question de me louper. Du côté de ma mère, avec la culture du Sud-Ouest, les repas sont pantagruéliques. Chez nous, tout le monde cuisine et chacun met la main à la pâte.

Aimez-vous cuisiner ?

Oui, énormément, pour mon compagnon, ma famille et mes amis, mais rarement pour moi seule.

Quelle est votre spécialité ?

J’ai « volé » la recette d’une sauce pour le canard à l’orange, servie avec une purée de pommes de terre et de patates douces, au chef Olivier Théron.

Auriez-vous envie de devenir cheffe à votre tour ?

Pas cheffe, mais ouvrir un établissement où l’on sert une cuisine exigeante, accompagnée de très bons vins français, me plairait beaucoup.

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