1980 : alerte nucléaire en Arkansas !

En 1980, les États-Unis ont échappé de peu à l’explosion d’un de leurs propres missiles nucléaires dans l’Arkansas © Arte

Il y a quarante ans, une catastrophe nucléaire était évitée de justesse. Un «incident» parmi beaucoup d’autres. Ce mardi à 20h50 sur Arte, le documentaire «1980, accident nucléaire en Arkansas» retrace les événements.

C’est vendredi, la semaine touche doucement à sa fin sur la base militaire de Little Rock Damascus. Parmi les collines verdoyantes et les fermes, comme perdu dans ce coin rural de l’Arkansas, ce haut lieu de la défense stratégique américaine semble glisser lentement vers un week-end tant attendu. Ce n’est pourtant pas encore l’heure de prendre du bon temps sur le complexe de lancement 347-7. Quand il faut veiller sur dix-huit silos à missiles et les ultrapuissants Titan II qu’elles dissimulent sous la terre, ça ne l’est jamais vraiment d’ailleurs. Même un vendredi à 18.30. David Powell est payé pour le savoir. Malgré l’heure avancée de la journée, le technicien de 21 ans doit assurer la maintenance d’une des fusées. Il s’empare d’une impressionnante clé à douille de presqu’un mètre de long. Un geste banal, que le jeune soldat a déjà effectué des centaines de fois. Mais ce 18 septembre 1980, un infime détail fait basculer cette opération de routine dans le drame.

Alerte

L’infime détail, c’est la douille qui se détache de la clé. Elle pèse plus de trois kilos et tombe dans le vide. Impuissant, David Powell la regarde dégringoler, prendre de la vitesse, devenir à chaque mètre un projectile de plus en plus dangereux. Impuissant, il sait que vingt-quatre mètres plus bas, il y a le réservoir du premier étage du missile balistique intercontinental. Impuissant, il ne peut qu’assister à l’impact. La douille perfore l’enveloppe, le carburant sous pression est libéré dans l’atmosphère. Le technicien le sait : le silo peut exploser à tout moment. Et dans ce cas, qu’adviendra-t-il de l’ogive nucléaire ? Il donne l’alerte.

Héros

Aussitôt, c’est le branlebas de combat sur la base. Dans le même temps, les militaires doivent évaluer les risques d’explosion et prendre des mesures de sécurité qui s’imposent. Tandis que la police fait évacuer le personnel et les habitants qui résident à proximité, des hommes sont envoyés à l’intérieur du complexe. C’est le cas du caporal-chef David Livingston. Avec le sergent Jeffrey K. Kennedy, il vient de mesurer les concentrations de vapeurs dangereuses dans l’air du complexe de lancement. L’Encyclopédie CALS de l’Arkansas raconte : «Juste au moment où ils remontent à la surface et s’asseyent sur le bord en béton du portail d’accès pour attendre de nouvelles instructions, le missile explose». Projeté par le souffle de l’explosion à plusieurs mètres de là, le sergent Kennedy s’en sort avec une fracture de la jambe. David Livingston est retrouvé dans les décombres par les services de secours. Il décède quelques heures plus tard.

Explosion

La déflagration est d’une violence incroyable. Elle creuse un cratère de 75 mètres de large à l’emplacement du silo. Les témoins racontent :«Le couvercle du silo, lourd de 232 tonnes, est «soufflé comme un bouchon», la porte de 700 tonnes censée protéger le missile d’une attaque nucléaire soviétique est six cents fois plus puissante que pour la bombe d’Hiroshima», répondent les spécialistes. Qu’est-elle devenue ? Un fermier de la région affirme avoir vu «une masse compacte de la taille d’un petit camion projetée en l’air lors de l’explosion». L’ogive est finalement retrouvée par les militaires à deux cents mètres du silo, le long d’une route de campagne, sans déclencher d’explosion nucléaire.

«Incidents ?»

Deux jours plus tard, face aux caméras, le secrétaire à la défense déclare : «Tout ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a eu ni destruction de la charge nucléaire, ni fuite radioactive et qu’à aucun moment une ogive nucléaire n’a été placée hors du contrôle de l’armée de l’air.» Un incident parmi beaucoup d’autres. En 2009, le journaliste d’investigation Eric Schlosser retrace les événements dans un livre intitulé «Command and Control, Damascus, l’illusion de la sûreté». Sur base de documents déclassifiés, il met aussi au jour «une liste de mille deux cents accidents pour la période de 1950 à 1968». Officiellement, entre 1950 et 1980, les États-Unis en reconnaissent trente-deux.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 16/7/2020

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