Accents régionaux : toutes les saveurs du langage

Francis Cabrel a fait de son accent du sud-ouest une force © Isopix

Avant la diffusion du film «La Ch’tite famille», jeudi soir sur RTL-TVI, Maria Del Rio nous dit tout sur nos dialectes et accents régionaux, dans le magazine «Tout s’explique» (19h50).

Les médecins en perdent leur latin

Dans le classement des maladies rares les plus étranges figure, sans aucun doute, le syndrome de l’accent étranger. Les personnes touchées par cette atteinte neurologique – seulement une centaine de cas observés à travers le monde – se mettent subitement à parler leur langue maternelle avec un accent étranger. Les principales causes sont les lésions cérébrales, les AVC ou les hémorragies cérébrales traumatiques. L’exemple le plus célèbre de ce syndrome, dont le premier cas connu remonte à 1907, est le cas d’Astrid, une jeune Norvégienne qui, après avoir été touchée à la tête par un éclat d’obus en 1941, se met à parler avec un étrange accent allemand. Une situation qui, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, a valu à la jeune fille d’être prise pour une espionne ! En 2011, après une opération des dents, Karen Butler, une Américaine, s’est mise à parler avec un accent d’Europe de l’Est, région où elle n’avait jamais mis les pieds. Dans certains cas, les patients se mettent même à parler une langue qu’ils ne connaissent pas. Comme Alun Morgan, un Anglais de 81 ans, qui, après un AVC, a commencé à parler le gallois, qu’il n’avait jamais étudié…

Les chèvres ont des accents !

Si, chez l’Homme, un accent peut permettre d’identifier l’origine de son interlocuteur, il en va de même chez… les chèvres ! Il y a quelques années, des chercheurs de l’université Queen Mary de Londres ont découvert que les chèvres naines avaient un bêlement différent selon leur troupeau. Ces nuances vocales leur sont inculquées par leurs pairs. Pour cette étude parue dans la revue Animal Behaviour, les scientifiques ont suivi quatre troupeaux de chevreaux nains et les ont enregistrés durant plusieurs semaines. Au début, les chevreaux copiaient les sons de leurs mères, frères et sœurs. Et lorsqu’ils commençaient à se mélanger à d’autres groupes sociaux, leurs voix s’uniformisaient. L’environnement social joue donc un rôle dans les bêlements. Et ces différences d’accents dans les langages animaliers ne sont pas propres aux chèvres, puisque des constats similaires ont été observés chez les éléphants, les baleines, les singes et certains oiseaux.

Syndrome «Peppa Pig»

Qu’il soit liégeois, bruxellois, namurois, ch’ti, toulousain, ou encore marseillais, l’accent apparaît très tôt. «Un certain mimétisme nous pousse à adopter la prononciation du groupe auquel nous appartenons. Nous tendons donc à partager les habitudes de prononciation de notre village, région, etc.», explique, dans la revue Ça m’intéresse, Philippe Boula de Mareüil, chercheur en linguistique et auteur du livre «D’où viennent les accents régionaux» (éd. Le Pommier). Mais, depuis quelques années, des parents américains ont constaté avec étonnement que leurs bambins développaient un fort accent… britannique ! En cause ? Le dessin animé à succès «Peppa Pig» ! Un syndrome qui n’étonne pas les chercheurs de l’université de Plymouth, selon lesquels, les enfants sont plus à même de prendre un accent à partir de ce qu’ils entendent à l’école ou à la télévision que par l’apprentissage de leurs parents.

Marque de fabrique

Si, dans le paysage audiovisuel, la norme est plutôt de parler un «français neutre», certaines célébrités ont toujours gardé leur accent régional. Ainsi, à ses débuts, Francis Cabrel a, sous la pression de sa maison de disques, gommé son fort accent du Sud-Ouest pour le titre «Petite Marie». Désormais fier de sa particularité, le chanteur a finalement réenregistré son tube avec son accent naturel. Pour l’humoriste et comédien Patrick Bosso, son accent marseillais, qui fait aujourd’hui son identité et sa renommée, a longtemps été un handicap. Désormais, l’artiste à l’accent chantant et coloré en a fait un atout. Dans son spectacle «Sans accent», il raconte, par exemple, que Siri ne le comprend pas, lorsqu’il s’adresse à son smartphone ! Jane Birkin, la plus française des actrices anglaises, a, elle aussi, souffert à cause de son accent. «Sur le tournage de «La Piscine» (1969), Jacques Deray me mettait un crayon dans la bouche pour que j’articule mieux», raconte la mère de Charlotte Gainsbourg dans Télérama. «J’étais très vexée. Aujourd’hui, je regrette de n’avoir pas plus travaillé. (…) L’accent m’a fait rater des rôles.»

La glottophobie, c’est quoi ?

S’il est possible de faire de son accent un atout dans le milieu du show-biz, ce n’est pas aussi simple dans le monde du travail ou en politique. Le Premier ministre français Jean Castex, moqué pour son accent du Sud-Ouest, peut en témoigner. En France, le sociolinguiste Philippe Blanchet combat ces discriminations sur les accents, auxquelles il a donné un nom : la glottophobie. Au début d’année, une proposition de loi a d’ailleurs été déposée pour «promouvoir la France des accents» et lutter contre ces discriminations.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 3/9/2020

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