Alcool  : le business avant la santé !

Taxes, emplois, commerce... Derrière une bouteille d'alcool se cachent de nombreux enjeux © Getty

On nous met en garde contre les dangers de l’alcool… tout en nous faisant sa publicité ! Ce mardi à 22h20, Arte pointe cette incohérence dans le documentaire «Alcool, l’intoxication globable».

L’autre soir au JT, un spécialiste mettait en garde contre la consommation d’alcool en période de confinement. Peu après, une pub invitait à boire une pils bien fraîche… tout en rappelant qu’«une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse». En l’espace de quelques minutes, le téléspectateur a donc ingurgité trois messages contradictoires sur l’alcool.

Étonnant ? Pas vraiment. Le discours sur l’alcool relève du paradoxe permanent. Pourquoi ? C’est le sujet auquel s’intéresse Arte mardi soir.

La plus nocive des drogues

Chaque Belge consomme en moyenne 11 litres d’alcool pur par an. Cela équivaut à environ 220 litres de bière, 90 litres de vin ou 25 litres de whisky. Bien que ces chiffres soient dans la moyenne européenne, ils interpellent. «La consommation d’alcool est trop élevée en Belgique», affirme-t-on chez Sciensano, l’Institut scientifique de santé publique.

Il rappelle le lien entre l’alcool et de nombreuses maladies, son impact sur les troubles mentaux et comportementaux, ainsi que sur les actes de violence et les accidents de la route. Le bilan est lourd. En Belgique, 5,2 % des décès prématurés sont dus à l’alcool. Dans le monde, l’alcool tue une personne toutes les dix secondes.

Et pourtant, nous continuons à boire avec plaisir. Pas une soirée entre amis, un repas de famille, une fête populaire… sans un verre. Pourquoi les chiffres ne nous effraient-ils pas ? Pourquoi buvons-nous malgré tout ? «Parce que l’alcool est une drogue», affirme le neuropsychopharmacologue David Nutt, l’un des spécialistes anglais de la question. Il va même plus loin : «En Europe, l’alcool est la drogue la plus nocive de toutes, celle qui cause le plus de dommages à la société.»

Question de gros sous

Si l’alcool est une drogue, pourquoi l’État ne l’interdit-il pas ? Question de gros sous, diront certains. On pense d’abord aux taxes et accises. C’est vrai qu’elles sont élevées. Lorsque vous achetez une bouteille de spiritueux, elles peuvent représenter trois quarts du prix. En 2018, les accises sur l’alcool ont rapporté 815 millions d’euros à l’État belge.

C’est une belle somme, or ce n’est rien par rapport à ce que l’alcool coûte à l’État. Comment chiffrer cela ? En France, une étude évalue le coût annuel de l’alcool pour la société à 120 milliards. À l’échelle de la Belgique, cela pourrait donc tourner autour de 20 milliards. Le chiffre tient compte des dépenses de santé publique, mais aussi d’autres critères comme la baisse de production ou les vies perdues. Les taxes et accises ne suffisent pas à compenser cela, le profit vient d’ailleurs…

Le saviez-vous ? De tous les produits agroalimentaires exportés par l’Europe, l’alcool sort grand vainqueur. Le vin décroche la première place, les spiritueux et liqueurs la deuxième, laissant loin derrière le blé, la viande ou les fromages. Les marchés sont énormes et génèrent des millions d’emplois directs (agriculture, industrie, vente) et indirects (restauration, hôtellerie, tourisme). Si chacun respectait les limites raisonnables de consommation d’alcool édictées par les autorités de la Santé, l’industrie de l’alcool s’effondrerait. Et personne n’y a intérêt. 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 7/5/2020

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