«Anime» sauce samouraï

Extrait du «Garçon et la bête» © RTBF/Gaumont Distribution

Au Japon, les «anime», diminutif du mot japonais «animçshon», s’adressent à tous. Et font pleinement partie de la culture nippone depuis leur apparition en 1917.

Samedi à 20h40, La Trois diffuse «Le Garçon et la bête», du réalisateur Mamoru Hosoda, dont la dernière œuvre, «Belle», sera présentée en avant-première au Festival de Cannes. Dans ce conte initiatique, Ren, orphelin fugueur, rencontre Kametsu, un ours solitaire et colérique dont il devient le disciple. L’occasion de s’envoler vers l’archipel japonais pour découvrir l’art séculaire de l’«anime».

Superstars

Tout le monde a vu le film Disney «La Reine des neiges», mais qui est capable de dire qui l’a réalisé ? Dans le monde des anime, la question ne se pose pas. Certains réalisateurs sont des superstars. L’empereur incontesté est Hayao Miyazaki, l’homme derrière «Le Voyage de Chihiro» (oscarisé en 2003), «Le Château ambulant», «Princesse Mononoké» et «Mon voisin Totoro», dont le héros est l’emblème de son studio, le studio Ghibli.

Autre métier adulé, celui des seiyûs : les doubleurs. Parmi les milliers d’apprentis inscrits dans les 130 écoles spécialisées, peu d’élus. Mais les plus chanceux ont des fans qui se jettent sur les nouvelles séries simplement pour les entendre. Les plus célèbres sont souvent des femmes, qui prêtent leur voix à des personnages masculins. Sommité dans le milieu, Masako Nozawa, 84 ans aujourd’hui, qui a doublé plusieurs personnages de Dragon Ball. Son Goku, Son Gohan, Son Goten… C’est elle !

Animation limitée/créativité infinie

L’une des différences entre les anime et les films d’animation qui nous sont familiers est le recours à l’animation limitée, utilisée la première fois en 1963 pour «Astro, le petit robot», première série animée japonaise. Pour produire un épisode par semaine sans dépasser le budget, il était nécessaire de recourir à quelques astuces : se contenter de 6, 8 ou 12 images par secondes (contre 24 pour une animation «normale»), privilégier les plans fixes ou les mouvements cycliques (comme le défilé du paysage lorsqu’un personnage court) et n’animer que les parties des personnages qui en ont vraiment besoin, comme la bouche ou les yeux, voire carrément les cacher derrière un objet. Si elle n’est plus toujours nécessaire, cette technique est un véritable choix créatif et fait pleinement partie de la tradition de l’animation japonaise.

Public averti

Si, au Japon, il est évident que le public visé par les anime est surtout composé d’adolescents et de jeunes adultes, cela n’a pas toujours été le cas ici. À partir des années 1970, des anime sont achetés en masse par la France et sont diffusés dans des émissions comme «Récré A2» ou «Le Club Dorothée», ignorant totalement les codes culturels.

Alors si «Juliette, je t’aime» ou «Rémi sans famille» ne posent aucun problème, les réactions ne sont pas les mêmes face à «Dragon Ball», «Ken le survivant» ou «Les Chevaliers du Zodiaque»… Des scènes sont censurées et des dialogues réécrits. Ainsi, Nicky Larson n’invite plus ses conquêtes dans des Love Hotels, mais dans des restaurants végétariens.

Face à la violence de certains titres, les doubleurs français refusent même de prêter leur voix s’ils ne peuvent pas réécrire leurs textes, ce qui donne lieu à quelques répliques insolites. Parmi les plus célèbres, on retrouve les jeux de mots, comme «Hokuto à beurre», qui pullulent dans «Ken le survivant», dont le titre original est «Hokuto no Ken». Dorothée sera même obligée de présenter ses excuses au JT de TF1.

Génération anim(é)e

«Et puis je m’élance dans les cieux, je suis le Dragon blanc aux yeux bleus», «J’ai le sourire d’Hisoka dans Hunter x Hunter» ne sont pas les paroles des génériques de «Yu-Gi-Ho !» ni de «Hunter x Hunter», mais bien celles de morceaux de BigFo & Oli et Nekfeu.

Car malgré les polémiques, les anime ont eu un succès retentissant chez nous. Pas étonnant donc qu’ils aient fasciné les générations nées entre 1970 et 2000, biberonnées aux épisodes de «Goldorak» ou «Pokémon».

Cette influence est particulièrement remarquable chez les rappeurs francophones. La chaîne YouTube Le Règlement a analysé dix-sept mille titres de deux cents rappeurs pour obtenir le classement des vingt anime les plus souvent évoqués. Largement devant «One Piece» (134 références) et «Naruto» (250 références), «Dragon Ball» explose la concurrence à coup de Kaméhaméha avec plus de six cents allusions à l’univers imaginé par Akira Toriyama.

Cet article est paru dans le Télépro du 15/7/2021

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