Au bonheur de Rosa

Rosa Bonheur © Isopix

Ce lundi à 21h10 sur France 3 dans «Secrets d’Histoire», Stéphane Bern part à la rencontre d’une personnalité étonnante : Rosa Bonheur (1822-1899), peintre et sculptrice surdouée, spécialisée dans l’art animalier.

Artiste singulière, plus grande peintre animalière de son temps, femme hors du commun pour son génie artistique et son esprit avant-gardiste, Rosa Bonheur a fasciné son époque. Retour sur la vie, un brin oubliée, de celle qui était aussi indépendante que talentueuse.

À bonne école

En mars 1822, à Bordeaux, naît Marie-Rosalie Bonheur. En pleine campagne, au château de Grimont, la petite Rosa, un peu garçon manqué, aime passer du temps avec les animaux domestiques ou sauvages. Mais cette enfance dorée ne dure pas.

En 1828, son père, Raimond Bonheur, professeur de dessin, monte à Paris. Femme et enfants le rejoignent l’année suivante. Mais l’aventure parisienne épuise les finances de la famille Bonheur. «Malgré cette dèche, le père de Rosa tient à ce que sa fille s’initie à la musique et à la peinture», explique Albert Algoud sur France Inter. «Un encouragement paternel qui n’est pas anodin à une époque où la professionnalisation et la reconnaissance des femmes dans l’art sont loin d’être acquises.»

À 13 ans à peine, se remettant durement de la mort de sa mère deux ans plus tôt, la fillette abandonne la couture pour devenir apprentie peintre dans différents ateliers. Cette passion ne la quittera plus.

Comme un homme

À 19 ans, Rosa expose ses œuvres pour la première fois. Ses sujets ? Ses amis les animaux représentés dans un style réaliste. Son talent est vite remarqué. Pour «Bœufs et Taureaux, Race du Cantal», elle obtient même une médaille de bronze lors d’un concours prestigieux, en 1848.

Mais c’est avec «Le Marché aux chevaux» (entre 1852-55), que sa notoriété s’affirme. «Elle fait de l’art sérieusement, et on peut la traiter en homme», confiera, admiratif, le poète Théophile Gautier.

Féministe avant l’heure

Pour scruter plus facilement ses modèles à quatre pattes, Rosa veut se délester de ses robes et enfiler un pantalon. Pour ce faire, elle doit demander une licence officielle de «permission de travestissement» ! Elle est une des rares femmes du XIXe siècle à l’avoir obtenue.

Ce rappel constant à sa «condition» de femme déplaît à Rosa. «Elle va prouver que la femme est bien l’égal de l’homme et que le génie n’a pas de sexe. Toutefois, son but n’est pas de le revendiquer. Pour elle, c’est une réalité», explique Katherine Brault, propriétaire et gérante du Château de Rosa Bonheur, au magazine GÉO. Cependant, lorsqu’on est une femme en vue, on n’échappe pas aux jugements de l’époque.

Est-ce pour les thèmes qu’elle défendait- la condition animale et l’égalité hommes/femmes -, que la peintre a été un temps oubliée ? «Après la guerre, on considérera que les femmes n’ont pas leur place dans le travail, et celles qui ont réussi seront effacées de l’Histoire», poursuit Katherine Brault. «C’est ainsi que deux générations d’Histoire de l’art se sont construites sans l’histoire de Rosa Bonheur.» 

Cet article est paru dans le Télépro du 20/10/2022

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