Dans l’enfer d’une secte nazie

Colonia Dignidad © Arte

Pendant plus de trente ans, un ancien nazi a fait régner la terreur sur un petit village du Chili.

À première vue, on dirait un charmant petit village allemand… Mais il se trouve au pied des Andes, au cœur de la forêt chilienne. Le lieu s’appelle Colonia Dignidad et il cache un lourd secret. Pendant plus de trente ans, un ancien SS y a fait régner la terreur.

Reconverti en gourou pédophile, il a fini par collaborer avec la dictature de Pinochet. L’histoire est hallucinante, mais les faits sont malheureusement vrais. Comme le raconte Arte, dans une série documentaire en quatre épisodes diffusée ce mardi à 21h45.

L’Oncle Paul

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup d’Allemands sont déboussolés. En recherche de repères, certains se tournent vers l’Église. Dans une petite paroisse protestante de Basse-Saxe, les fidèles se retrouvent autour de Paul Schäfer. Il n’est pas pasteur, pas même théologien, mais il enseigne l’évangile de manière très charismatique.

Lorsque le pasteur local finit par évincer ce garçon qui lui fait une concurrence déloyale, Schäfer crée sa propre communauté chrétienne et la troupe de ses fidèles ne cesse de grossir. Au milieu des années 1950, il leur propose de vendre leurs biens pour créer ensemble un foyer pour enfants. Les fidèles adhèrent à l’idée et le foyer se remplit rapidement, bon nombre de veuves de guerre étant soulagées de voir leurs enfants pris en charge par «l’Oncle Paul».

Le projet séduit. À tel point qu’en 1960, après un terrible tremblement de terre au Chili, l’ambassadeur demande à Schäfer d’ouvrir un foyer dans son pays… Schäfer saute sur l’occasion. Parce qu’il n’est pas l’homme qu’on croit. D’abord c’est un ancien SS. Ensuite, il sait que plusieurs plaintes pour abus sur mineurs ont été déposées contre lui.

Servir Dieu

Comment convaincre ses ouailles de le suivre au bout du monde ? Pour les enfants dont il a la charge, c’est simple : il annonce aux parents qu’il les emmène en voyage. Sans préciser qu’il n’y aura pas de retour. Pour ses adeptes, il prophétise le risque d’une troisième guerre mondiale. La construction soudaine du Mur de Berlin, en 1961, finit par les convaincre.

Mais une fois sur place, ils comprennent vite que leur vie sera un enfer. Ils sont en pleine forêt tropicale et tout est à construire. Dans ses prêches quotidiens, Schäfer leur rappelle que travailler, c’est servir Dieu. Ils travaillent donc comme des forçats pendant que lui passe sa journée avec leurs gamins.

Bientôt les enfants sont définitivement séparés de leurs parents – l’Oncle Paul doit être leur seul référent. Puis les femmes sont séparées des hommes et contraintes de couvrir leurs cheveux. La communauté est devenue une secte où toute velléité est sanctionnée par des châtiments corporels. S’enfuir ? Mais pour aller où ? La première ville est à 40 kilomètres…

Un centre de torture

Paul Schäfer est seul maître à bord jusqu’en 1970, lorsque les Chiliens élisent Salvador Allende à la présidence. L’homme ayant promis d’exproprier les propriétaires terriens, Schäfer prend peur. Il s’allie alors avec les opposants à Allende, leur fournissant des armes qu’il réussit à se procurer via des containers humanitaires.

On dit que le coup d’État de Pinochet aurait été préparé chez Schäfer. En tout cas, il est sûr que, durant la dictature, le charmant petit village allemand construit par les adeptes de l’ancien SS a servi de centre de détention et de torture pour les opposants au régime… 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 5/3/2020

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