Fantômas, l’empereur du crime

Image extraite du documentaire «Fantomas démasqué» (Arte) © Arte

De maître de l’effroi au génie comique, Fantômas a connu bien des évolutions.

Du bandit sobrement masqué de Pierre Souvestre et Marcel Allain à l’apparence terrifiante de la trilogie cinématographique avec Jean Marais et Louis de Funès, Fantômas est l’un des premiers méchants français à faire fureur à l’international. Que cachent les innombrables masques de Fantômas ?

Vendredi à 22h30, Arte revient sur le phénomène avec le documentaire «Fantômas démasqué».

Genèse

1911, France. Marcel Allain et Pierre Souvestre, deux jeunes journalistes, s’aventurent dans le monde de l’édition et écrivent les aventures d’un bandit masqué dénommé Fantômas.

Qui est-il ? «Un criminel qui ne recule devant aucune atrocité et qui ne se fait jamais arrêter. Il trouve toujours un moyen de s’enfuir», explique Marcel Allain. En d’autres termes : la personnification du mal.

Il possède de nombreux prédécesseurs tels Arsène Lupin (1905) et Zigomar (1909). Trente et un romans composent les premières aventures de Fantômas. Tous s’arrachent comme des petits pains, vendus 65 centimes l’unité.

«C’est un produit de consommation sériel, imprimé sur un papier de mauvaise qualité et voué à disparaître», souligne l’historien Loïc Artiaga. Pourtant, les crimes de Fantômas inspirent encore…

Première adaptation

Le succès de Fantômas est tel que le réalisateur Louis Feuillade s’empare du personnage pour le transposer au cinéma. Cinq films muets voient le jour entre 1913 et 1914. René Navarre endosse le rôle-titre et lui forge sa carrière.

«C’est la première fois qu’on a un personnage qui se développe à la fois dans le roman et au cinéma. Il y en a eu quelques-uns avant, mais qui n’ont pas eu la même importance», précise Matthieu Letourneux, professeur de littérature. «Aujourd’hui, nous en sommes les héritiers. Avant Marvel, c’est Pierre, Alain et Louis Feuillade qui inventent les super-héros dans tous les médias. Et dans cette adaptation de «Fantômas», ce qui est éblouissant, c’est qu’on a des personnages qui commettent des crimes dans un espace d’intérieur, qui ressemble à un décor de théâtre, et que tout d’un coup, les personnages sortent dans la rue. Ils vont dans le monde lui-même. Cela veut dire que la fiction arrive dans le réel ! Et ça, cela a dû être un effet de choc incroyable.»

Dénaturation

Le maître de l’effroi se fait oublier jusqu’en 1964, lorsque André Hunebelle s’empare du personnage pour une trilogie de films avec Jean Marais, Mylène Demongeot et Louis de Funès. La vision du réalisateur est à l’opposé des deux inventeurs.

«Si c’est pour faire des films tirés des feuilletons de Souvestre et Allain, ne comptez pas sur moi parce que je trouve que c’est très dépassé. Même à l’époque quand on allait au cinéma pour voir un Feuillade, tous mes amis et moi y allions pour nous amuser», explique Hunebelle à l’époque.

Le cocréateur Marcel Allain s’indigne à la vision du premier volet et intente un procès à la société de production Gaumont, qu’il remporte. Son préjudice pour la «dénaturation complète» de son œuvre lui vaut 3 % des recettes du film… 

Cet article est paru dans le Télépro du 20/1/2022

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