Grossophobie : des préjugés XXL

Ce mercredi à20h15, La Une propose un documentaire sur la «grossophobie», chronique d’une discrimination ordinaire…

C’était il y a quelques années, une éternité en fait. À l’époque, je côtoyais de très près les coulisses de la télévision. Lorsque les audiences étaient en baisse, le responsable des magazines avait son idée pour résoudre la question et présenter des chiffres plus «sexy» (c’était l’expression consacrée) à la direction : flatter la face sombre du téléspectateur, choisir des thèmes anxiogènes et racoleurs.

À côté du sexe et de la violence, les reportages sur l’obésité occupaient une place de choix dans son hit-parade. Et comme les sociétés de production américaines nourrissaient abondamment leurs catalogues de sujets les plus glauques et voyeurs, il y avait de la matière.

Pourquoi donc cette thématique fait-elle prendre des courbes généreuses à l’audimat ? La continuité 2.0 de l’attraction sur les foules des phénomènes de foire d’autrefois ? Satisfaire ce penchant morbide, c’est en tout cas alimenter et entretenir une intolérance et une animosité envers les ronds.

Des chiffres

Grossophobie, définition, première partie : «hostilité envers les personnes grosses ou obèses». À côté du mot «obésité», l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ajoute des chiffres. Depuis 1975, les cas d’obésité ont pratiquement triplé sur la planète. Le chiffre est plus impressionnant encore chez les enfants et les adolescents : le nombre a décuplé. Cela représente 1,9 milliard d’adultes en surpoids ou obèses et 340 millions d’enfants et d’adolescents âgés de 5 à 19 ans (*).

Victimes potentielles de maladies cardiovasculaires, diabète, arthrose, cancers… Chez nous, c’est une personne sur trois. Mais le surpoids et l’obésité, ce n’est pas seulement «une accumulation anormale ou excessive de sucre et de graisse qui peut nuire à la santé». Pour la personne concernée, la maladie est source de culpabilité et de dégoût de soi, elle peut provoquer l’impression de rejet et être à l’origine de dépression.

Les causes

Grossophobie, définition, deuxième partie. «La grossophobie repose sur des préjugés selon lesquels les personnes fortes le sont parce qu’elles le veulent bien». Les causes de l’obésité sont multiples et il s’agit la plupart du temps d’une combinaison de facteurs.

En premier lieu arriverait l’origine génétique. Dans près de 70 % des cas, un des parents au moins est obèse. Une dizaine de gènes ont été identifiés comme causes d’une obésité grave. Mais plus de 200 y sont associés. Être porteur de ces gênes n’affecterait cependant pas la capacité de perdre du poids.

Viennent s’ajouter les causes alimentaires, manger trop, trop gras, trop sucré. Les causes psychologiques, le stress, le manque d’exercices, le manque de sommeil… À ce sujet Le Figaro Santé note qu’«un sommeil de moins de 6 h multiplie par 4 le risque d’obésité comparativement à un sommeil de plus de 7h».

La discrimination

Grossophobie définition, troisième partie. «Une position qui se manifeste par des comportements stigmatisant et discriminant à l’égard des personnes en surpoids». «Gros» n’est pas un gros mot. Cette petite phrase, Daria Marx et Eva Perez-Bello l’ont choisie comme titre pour un livre qu’elles cosignent. Fondatrices du collectif Gras politique, elles y retracent dans ce qu’elles appellent «Les chroniques d’une discrimination ordinaire» leur quotidien fait de remarques désobligeantes, de sarcasmes, de brimades, de «grosse vache» et de «bourrelets sur pattes».

En France, 20 % des personnes obèses et au chômage estiment avoir été discriminées à l’embauche. On voit même apparaître «la grossophobie médicale». En l’occurrence, il s’agit de médecins qui culpabilisent leurs patients en surpoids. La grossophobie est d’autant plus vicieuse soulignent certains, qu’elle n’est pas illégale comme le racisme ou l’homophobie.

Pour Hélène Bidard, elle aussi obèse et auteure d’un livre sur le sujet «quand on insulte un obèse, on le pousse à rester chez lui, à être sédentaire, à se désocialiser. La grossophobie va renforcer l’obésité».

(*) OMS, 2016

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