Interview : Tim Bouts (Pairi Daiza) et la vie des vétos à la TV

Le vétérinaire de Pairi Daiza, Tim Bouts, s’est spécialisé en anesthésie des grands herbivores et en pathologies des éléphants en Grande-Bretagne © Pairi Daiza/RTL

Intrigué par la multiplication des émissions consacrées aux animaux des zoos et des parcs, Télépro est entré dans les coulisses de Pairi Daiza et dans le quotidien de son directeur zoologique, Tim Bouts.

«Expédition Pairi Daiza» (dimanche sur RTL-TVI), «Une saison au zoo» (France 4), «La Vie secrète du zoo» (France 5), «Vétérinaires, leur vie en direct» (La Une)… Les émissions télé consacrées aux animaux des zoos fourmillent ! Quel est donc ce travail qui consiste à s’occuper d’espèces exotiques ? Pour le savoir, Télépro a rencontré Tim Bouts, directeur zoologique du parc Pairi Daiza (Brugelette, province du Hainaut).

Tim Bouts, quelles formations avez-vous suivies pour aboutir, en 2013, à la direction zoologique du parc Pairi Daiza ?

Des études de vétérinaire à l’université de Gand, suivies d’une spécialisation d’un an en anesthésie des grands animaux, car mon objectif était de travailler dans les zoos. L’année suivante, j’ai obtenu un master complémentaire du Royal Veterinary College (université de Londres) consacré à la santé des animaux sauvages. Et en 2011, je suis retourné à l’université pour obtenir un titre européen de management en médecine zoologique.

Vous avez entamé votre carrière professionnelle dans un zoo…

En effet, dans les Cornouailles, en Grande-Bretagne, où j’étais spécialisé dans les NAC (nouveaux animaux de compagnie), tout en travaillant pour le zoo local et le centre pour rapaces. Ensuite, je suis parti à Abou Dabi pour deux ans, où j’ai été nommé vétérinaire en chef du président des Émirats arabes unis. J’avais cinq sites en charge dont une immense réserve d’antilopes et un élevage de guépards. Puis je suis retourné en Grande-Bretagne où j’ai exercé, durant six ans, dans les zoos de Whipsnade et de Londres. Je m’y suis spécialisé en anesthésie des grands herbivores et en pathologies des éléphants. En 2011, je suis devenu le directeur et le vétérinaire principal de l’Al Wabra Wildlife Preservation, au Qatar, un centre recueillant des espèces très rares comme l’ara de Spix, par exemple, une espèce d’oiseaux considérée comme éteinte à l’état sauvage. Enfin, depuis 2013, je suis le directeur zoologique de Pairi Daiza.

Une longue expérience est-elle indispensable pour travailler dans un zoo ?

Ce qui est indispensable, c’est d’abord la solide formation de vétérinaire pour animaux de compagnie. Au fond, la physiologie du loup n’est pas très éloignée de celle du chien, celle des antilopes est proche de celle d’une chèvre ou d’un mouton… Il est vrai aussi que l’expérience et les formations complémentaires restent un atout majeur.

Avez-vous constaté une recrudescence de postulants depuis la diffusion de l’émission à la télévision ?

Oui. Je reçois de jeunes diplômés dont le rêve est d’exercer dans un zoo. Je leur réponds : «Deviens vétérinaire, on verra ensuite !». La plupart sont des candidats sérieux qui aiment les animaux, mais certains d’entre eux sont juste attirés par le «danger».

Des parcs comme Pairi Daiza sont-ils essentiels pour la faune en perdition ? Ne s’agit-il pas d’une justification intéressée ?

Jadis, peu de gens avaient l’occasion de voyager. De petits zoos ont alors proposé au public de découvrir des animaux exotiques. Aujourd’hui, les voyages se sont démocratisés et cette position n’est plus fondée. La raison d’être des zoos est dorénavant ludique, éducative et conservatoire. Nos parcs animaliers et nos zoos sont devenus les principaux centres de conservation des espèces après le WWF. À travers la Fondation Pairi Daiza, nous travaillons notamment sur les races éteintes, la fertilité des pandas géants… Mon objectif de carrière est de sauver au moins une espèce dans le monde. C’est ce qui donne du sens à mon métier.

Quels sont les soins les plus délicats une à prodiguer aux animaux ? L’anesthésie ?

Soigner les animaux sauvages reste difficile : on ne sait pas à quel point ils sont déjà malades quand ils montrent les premiers signes de leur état. Car dans un milieu sauvage, la moindre démonstration de faiblesse condamne rapidement l’animal qui devient la proie privilégiée de ses prédateurs. Donc ils sont déjà fort mal en point quand nous intervenons. L’anesthésie est l’ultime étape quand le traitement appliqué n’a pas d’effet. Ce qui reste délicat car on ne connaît ni l’état de santé, ni le poids du sujet. Mais ici, nous sommes bien équipés pour soigner le «patient» le mieux possible.

Devez-vous consulter des confrères pour certains animaux ou êtes-vous capable de soigner n’importe quelle espèce exotique ?

Je suis médecin de première ligne, donc je suis censé connaître pas mal de choses sur de nombreuses espèces. Mais j’ai aussi mes limites. Je peux compter sur une équipe, à l’université de Gand notamment, qui est toujours prête à me venir en aide, ainsi que sur d’autres confrères œuvrant dans d’autres parcs zoologiques. Je peux, par exemple, appeler un copain de Berlin quand nous rencontrons des problèmes de fertilité chez telle ou telle espèce. Ce réseau de collaborations est précieux.

Et quand vous ne savez plus rien faire pour un animal malade, cela doit être difficile…

C’est finalement la plus grande différence entre les vétérinaires pour animaux de compagnie ou animaux de ferme et nous, vétérinaires de zoos. Ils voient leurs «patients» de manière très ponctuelle tandis que nous les voyons tous les jours. Et quand l’un d’entre eux disparaît, c’est toujours un déchirement.

Cet entretien est paru dans le Télépro du 26/08/2021.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici