Jean-Baptiste Poquelin côté pile, Molière côté face

Image extraite du «Secrets d'Histoire» diffusé ce lundi sur France 3 © France 3/SEP

Ce 15 janvier 2022, il y aura exactement 400 ans qu’est né Jean-Baptiste Poquelin, passé à la postérité sous le nom de Molière, son nom de scène et d’auteur.

Lundi à 21h10 sur France 3, Stéphane Bern, dans «Secrets d’histoire» tente de percer les mystères qui entourent le grand comédien et dramaturge français du Grand siècle. Télépro lève le voile sur quelques-uns d’entre eux.

Issu d’une famille d’artistes ?

Pas du tout, l’éducation de Molière est classique, à l’image de son milieu. Son père est un riche tapissier. Il a acheté une charge auprès de la cour, ce qui lui vaut le titre envié de valet du Roi. Sa mère meurt quand il a 10 ans à peine. Jean-Baptiste suit les cours au très sérieux collège des jésuites où, déjà, ses goûts le portent vers la philosophie et la littérature. Il aurait fait des études de droit, pour se jeter ensuite corps et âme dans le théâtre, à la suite de sa rencontre avec les Béjart, une famille de comédiens, et particulièrement avec l’une des filles, Madeleine, dont il tombe vite amoureux.

Le succès est-il immédiat ?

Pas du tout. L’Illustre Théâtre, modeste nom qu’il donne à sa première troupe, est un échec cuisant. Les dettes s’accumulent, au point que Molière se retrouve en prison pour quelques heures. Ses comédiens et lui décident de se refaire une santé financière en tournant durant treize ans en province. Molière profite d’une excellente réputation d’écrivain et d’acteur comique, ces deux qualités valent à sa troupe et son directeur d’être dévolus au frère du Roi, le duc d’Anjou.

Scaramouche a-t-il fait mouche ?

La troupe des comédiens italiens dirigée par Scaramouche, et qui joue en alternance avec celle de Molière, a eu sans doute une influence majeure sur le désormais protégé du Roi. Molière se détourne vite du style pompeux et oratoire de la troupe des Grands comédiens de l’hôtel de Bourgogne pour lui préférer un rythme enjoué et parfois impertinent venu du Sud. Le ton de la tragédie ne convient pas à la voix de l’acteur français, bien plus à l’aise dans les joutes orales de son ami italien.

Encore fallait-il conquérir les grâces du Roi-Soleil ?

Et ce fut le cas ! Le Roi l’autorise d’abord à s’installer dans une dépendance du Louvre à la suite d’une interprétation magistrale du «Docteur amoureux», une farce écrite de sa main. Molière a la chance d’avoir devant lui un jeune souverain dont la génération est lasse du théâtre péremptoire, lui préférant le ton badin de la comédie animée par un amuseur de sa trempe. Il donne le coup de grâce aux tenants du classicisme avec «Les Précieuses ridicules» (1659), suivie de «L’École des maris» (1661). Le succès est tel que Fouquet convie la troupe à la fastueuse inauguration du château de Vaux-le-Vicomte, qui signe la disgrâce définitive de l’Intendant.

Le faîte de la gloire de Molière, c’est Versailles ?

Une fois achevés les agrandissements voulus par Louis XIV, toute la cour s’y installe, tout comme la troupe de Molière, qui y crée de nombreuses pièces, dont «Tartuffe» (1669). D’abord encouragée par le Roi, cette dernière est ensuite interdite sous la pression de la Cabale des Dévots, une société de catholiques extrémistes qui la jugeaient blasphématoire. Le combat que l’homme de théâtre doit mener contre l’invisible compagnie va l’user alors qu’il a à peine atteint la cinquantaine.

Molière est-il mort en scène en jouant «Le Malade imaginaire» (1673) ?

C’est une pure légende. Mais lors de la troisième représentation, que son entourage lui avait conjuré de ne pas jouer, Molière est pris d’une convulsion qui lui tord le visage. On le ramène chez lui après la pièce. Le 17 février 1673, il meurt quelques heures plus tard d’une hémoptysie, d’un crachement de sang des poumons. Sa veuve, Armande Béjart (sœur ou fille de Madeleine), doit batailler ferme, aidée par une intervention du Roi, pour lui assurer un enterrement religieux discret, celui-ci étant refusé à l’époque aux comédiens à moins qu’ils ne renoncent à leur métier.

Molière est enterré au cimetière du Père Lachaise… Faux…

Comédien, Molière n’a pas droit à une sépulture religieuse. Il est enterré de nuit et sans cérémonie au cimetière Saint-Joseph (Montmartre), à la demande du Roi qu’il a tant diverti, mais sans inscription sur sa pierre tombale. Et aussi vite exhumé pour être enterré avec les suicidés et les mort-nés. Il aurait ensuite disparu en même temps que le cimetière Saint-Joseph, et aurait abouti, comme La Fontaine, dans les catacombes ! Au Père Lachaise ? Boudé parce que trop cher, trop loin du centre et situé dans un quartier populaire, ce cimetière créé en 1804 a besoin de publicité… En 1817, on y transfère alors les prétendus restes de Molière et de La Fontaine. Dix ans plus tard, plus de 33.000 tombes de défunts honorés de partager leur dernière demeure avec ces célébrités s’y alignent. 

Hervé Gérard

Cet article est paru dans le Télépro du 6/1/2022

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