L’Autriche, nazie avant l’heure

Le 12 mars 1938, Hitler fait une entrée triomphale à Vienne © RTBF/Cinétévé

Le pays a notamment servi de «laboratoire» de la politique antisémite d’Hitler, comme le rappelle un documentaire diffusé dans le cadre de «Retour aux source» ce samedi à 21h05 sur La Trois.

Dès le XIXe siècle, au sein de l’empire austro-hongrois dominé par les Habsbourg, certains rêvent de former une seule et unique nation allemande regroupant toutes celles et ceux qui pratiquent la langue et la culture de Goethe. Encouragée par certains penseurs, l’idée fait lentement, mais sûrement son chemin.

La défaite en 1918 à la fois de l’Allemagne et de l’empire austro-hongrois, qui conduit à son démantèlement, donne naissance à l’Autriche dans les frontières que nous connaissons aujourd’hui. Dès 1925, Hitler rêve d’une grande nation allemande incluant bien entendu l’Autriche, préfigurant ainsi l’Anschluss de 1938. Mais n’anticipons pas.

L’assassinat du Chancelier

Dans les années 1930, le parti nazi ne cesse de progresser en Autriche. Ne pouvant participer au pouvoir, il se lance dans des attaques terroristes qui aboutiront à sa suppression en 1933, après un attentat sanglant au cœur d’un groupe de gymnastes catholiques.

Mais d’autres tensions marquent aussi les socialistes et les catholiques qui ont chacun leur milice, ce qui pousse le chancelier Dollfuss à adopter un régime dictatorial : l’austrofascisme.

Le 25 juillet 1934, les nazis assassinent Dollfuss, bien encouragés par Hitler. Mais le putsch échoue sans nul doute avec la complicité de Mussolini, obligeant le Führer à renoncer, du moins provisoirement, à son rêve de grande Allemagne. Néanmoins, le manque de réactions des Alliés lors de la reprise par l’armée allemande de la Rhénanie, pourtant démilitarisée, lui redonne des ailes. Il va forcer le nouveau chancelier autrichien, Kurt Schuschnigg, à entamer des négociations dans le but de rapprocher les deux pays.

Ce dernier cherche un appui auprès des Alliés, tout en autorisant à nouveau le parti nazi dans son pays. L’Autriche dispose de certaines richesses que convoite son voisin, notamment des matières premières et d’importantes réserves en devises et en or. Et quand, en 1937, Mussolini montre son désintérêt pour l’Autriche en y laissant le champ libre au Führer, il n’y a plus de doute sur une future invasion.

L’entrevue qui se déroule le 12 février 1938 entre Hitler et Schuschnigg à Berchtesgaden a tout d’un ultimatum. Un mois plus tard, la Wehrmacht défile à Vienne, alors qu’un plébiscite pour le moins truqué récolte plus de 99 % en faveur de l’annexion. L’Autriche sera désormais nazifiée jusqu’à sa libération en 1945.

Les Juifs avant l’Anschluss

Les Juifs occupaient des places importantes en Autriche. En 1938, leur communauté représente près de 4 % de leur population. Un an plus tard, alors qu’ils étaient 192.000, ils ne seront plus que 57.000, la plupart d’entre eux préférant émigrer. Diverses émeutes antisémites les ont en effet dissuadés de poursuivre leur carrière en Autriche.

Déjà en 1929, la foule s’en était pris à un célèbre café dans la Taborstrasse à Vienne et pire encore, en 1932, une salle de prière située dans le café Sperlhof fut complètement ravagée et ses fidèles sévèrement agressés. Malgré cet antisémitisme très présent dans la société, aucune loi n’avait été prise à l’encontre des Juifs avant 1934. Cette année-là, le nouveau régime autoritaire en place en Autriche va progressivement provoquer le départ d’un nombre important de Juifs vers des cieux plus cléments, dont les États-Unis.

Après l’annexion du pays, l’Autriche devient «le laboratoire de la politique antisémite», avec notamment la création dès 1938 du camp de concentration de Mauthausen. L’écrivaine Ruth Maier, qui mourra en déportation, note dans son journal en 1938 : «Même si les Juifs ne jouissaient pas tout à fait des mêmes droits que le reste de la population, ils occupaient néanmoins une place décente. Désormais, ils sont ravalés au titre d’animaux, de porcs, de non humains.»

Seuls 2.162 Juifs survivront aux camps d’extermination.

Texte : Hervé Gérard

Cet article est paru dans le Télépro du 24/3/2022

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