Le chantier maudit de l’opéra de Paris

Aujourd’hui, le Palais Garnier est l’un des plus beaux bâtiments de la Ville lumière © Isopix

La construction du Palais Garnier a été semée d’embûches.

C’est l’un des monuments emblématiques de Paris : l’opéra Garnier. De Saint-Saëns à Messiaen, voilà bientôt 150 ans qu’il accueille les premières des grands compositeurs français. En 1928, c’est là que Ravel présenta son fameux «Boléro».

L’opéra de Paris doit tout à deux hommes : Charles Garnier, son architecte, et Napoléon III, son initiateur. Mais ils vont connaître une série de péripéties… À découvrir ce vendredi à 22h40 sur La Une, dans «Le Temps d’une histoire».

L’effet d’une bombe

Au milieu du XIXe siècle, l’opéra de Paris était installé dans une petite rue étroite. Le 14 janvier 1858, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie y sont victimes d’un attentat perpétré par un anarchiste italien. Les souverains s’en sortent miraculeusement, mais les bombes font douze morts et 156 blessés.

Quelque temps auparavant, l’Empereur a confié au préfet Haussmann la rénovation complète de Paris. Il se dit qu’il faut aussi prévoir un nouvel opéra, d’accès plus sûr. Un concours est lancé, 171 projets sont présentés sous couvert d’anonymat et le jury en choisit un à l’unanimité. Tout le monde s’attend à ce que ce soit celui d’Eugène Viollet-le-Duc, l’architecte préféré de l’Empereur. Mais le projet retenu est celui d’un jeune inconnu : Charles Garnier.

Spectacle total

Le projet de Garnier est très malin. Il a veillé à ce que l’acoustique de la salle soit parfaite, à ce que chaque spectateur dispose de la meilleure vue, à ce que les coulisses puissent accueillir les décors les plus somptueux… Mais il a aussi réfléchi à ce que le lieu satisfasse la bourgeoisie de l’époque. Celle qui ne vient pas à l’opéra pour voir, mais pour être vue. Car si les spectateurs ont de petites jumelles, ce n’est pas pour mieux profiter du spectacle présenté sur scène, c’est pour ne rien louper du spectacle de la salle. La nouvelle robe de Madame Untelle, les nouvelles accointances de Monsieur son mari…

L’opéra de Garnier ne se résume donc pas à la salle rouge et or. Ce sont aussi les loges et leur salon particulier, les foyers, le fumoir, le glacier… Et surtout le grand escalier où chacun peut se donner en spectacle durant les entractes. L’architecte a aussi prévu une entrée sécurisée pour la voiture de l’Empereur.

Rien que des ennuis

Sur le papier, tout est parfait. Mais le terrain attribué par Haussmann pour la construction se révèle vite de piètre qualité. Il est tellement gorgé d’eau qu’il faut huit mois de pompage avant que les travaux puissent enfin commencer. Les retards s’accumulent, les budgets explosent…

Très vite, il faut admettre que le chantier, entamé en 1861, ne sera pas terminé pour l’Exposition universelle de 1867. Seule la façade peut être inaugurée. Puis viendront la guerre de 1870, la chute de l’Empire et l’avènement de la Troisième République. Garnier est contraint de s’exiler en Italie et son opéra, symbole du régime déchu, n’est plus qu’un lointain souvenir.

Sauf que… En 1873, l’ancien opéra de Paris est ravagé par un incendie. Comment rouvrir un opéra au plus vite ? En terminant celui de Garnier. L’architecte est rappelé à Paris du bout des lèvres. Il retrouve son chantier très abîmé par les combats de la Commune, mais il se remet à l’ouvrage. L’opéra de Paris sera finalement inauguré en janvier 1875. Charles Garnier, peu apprécié du nouveau régime, ne sera pas invité à la première. Il n’aura d’autre choix que d’acheter sa place pour profiter du spectacle. 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 17/9/2020

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