«Les Misérables» de Victor Hugo, ce brûlot universel

Victor Hugo a terminé son chef-d'œuvre en Belgique ! © Arte

Le plus subversif des romans de Victor Hugo est plus que jamais d’actualité.

Jean Valjean, Gavroche, Cosette, Fantine, Javert et les Thénardier… Tout le monde connait «Les Misérables». Si l’on n’a pas lu le roman de Victor Hugo, on a vu l’une de ses adaptations au cinéma. Avec Jean Gabin, Lino Ventura, Belmondo ou Depardieu dans le rôle de Jean Valjean, condamné au bagne pour le vol d’un morceau de pain. On a aussi fredonné les airs de la comédie musicale, l’une des plus jouées au monde depuis quatre décennies…

Mercredi à 22h45 sur Arte, l’écrivain belge Grégoire Polet revient sur l’incroyable destin des «Misérables».

Un livre dangereux

1862. Victor Hugo a juste 60 ans lorsqu’il publie «Les Misérables». L’écrivain est déjà immensément célèbre. Il est l’auteur de «Hernani», «Ruy Bas», «Notre-Dame de Paris». Il a été parmi les plus jeunes élus à l’Académie française… À la sortie de ce chef d’œuvre, la critique est pourtant exécrable. Même ses amis écrivains se déchaînent. «Un livre immonde et inepte», écrit Baudelaire. «Inadmissible», estime Flaubert. Mais c’est Lamartine qui ose exprimer clairement ce que tout le monde pense confusément : «Ce livre est dangereux car il donne de l’espoir aux malheureux».

Le problème est là : «Les Misérables» crie justice pour le peuple, et menace l’ordre social. Le plus étonnant, c’est que ce brûlot subversif soit dû à M. Hugo. Député conservateur, catholique et royaliste, nommé vicomte et pair de France, Hugo a toujours été proche du pouvoir. Alors, pourquoi prend-il soudain le parti du peuple ? C’est une longue histoire…

Délit d’adultère

À 40 ans, Hugo est un des bourgeois les mieux établis de Paris. Mais il constate autour de lui des petites injustices qui l’irritent. Il assiste à l’arrestation d’un pauvre hère qui vient de chaparder une miche de pain, il voit une prostituée canardée de neige par un bourgeois qui se rit d’elle… Hugo le note dans ses carnets. Pour faire quoi ? Il n’en sait rien.

Jusqu’au jour de 1845 où il est pris en flagrant délit d’adultère… Son statut lui permet d’échapper à la prison, mais il doit se retirer de la vie publique pour un temps. Il commence alors à écrire l’histoire de Jean Valjean, ce voleur de pain, Fantine, la petite prostituée… et ce peuple montant sur les barricades. En février 1848, la réalité rejoint la fiction : Paris se soulève ! Hugo est pris entre deux feux. Prendre le parti de l’ordre, en tant que député ? Ou celui de la rue, auprès de ces gens qui l’ont inspiré ? Hugo n’est pas prêt. Il abandonne l’écriture des «Misérables».

De Bruxelles à Waterloo

En 1851, le coup d’État de Bonaparte contraint Hugo à l’exil. À Bruxelles, puis à Jersey et Guernesey. Là, il reprend son manuscrit. Il termine d’écrire «Les Misérables» en Belgique, à Mont-Saint-Jean, dans une chambre d’hôtel avec vue sur le lion de Waterloo. Le livre, publié par un éditeur belge, devient vite un immense succès populaire.

«Ces pages sont ce qu’elles sont», écrit-il. «Il est facile au lecteur de ne point les lire. Il était impossible à l’auteur de ne pas les écrire…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 22/10/2020

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