Les quatre vies de Vivaldi, grandeur et misère du «prêtre roux»

Portrait de 1720 représentant le compositeur © Isopix
Giuseppa Cosentino Journaliste

Il est l’un des maestros les plus joués ! Saviez-vous qu’Antonio Vivaldi (1678-1741) fut… prêtre et star adulée du milieu de la musique, avant de sombrer dans l’oubli ?

Qui n’a jamais fredonné un air des «Quatre saisons», dont le mimétisme entre musique et nature fut une révolution ? Cela aurait été impossible il y a un siècle encore, puisque les œuvres de l’artiste vénitien ne redevinrent populaires qu’à partir des années 1950, après qu’un grand nombre de ses partitions ont été retrouvées à Turin, en 1926. Un bouleversement !

Pourquoi deux siècles de silence ? Et, surtout, comment un artiste aussi brillant a-t-il pu finir ses jours dans la misère et l’indifférence ? Dans «Vivaldi – Le génie des « Quatre saisons »», Arte (lundi à 17.45) retrace les saisons du parcours peu commun du compositeur italien.

Acte 1 : génie

Au XVIIe siècle déjà, joie de vivre, fêtes et spectacles animent la lagune de la flamboyante Venise. Une ambiance débordante qui imprégnera l’œuvre de Vivaldi. Mais, lorsque le futur musicien voit le jour, le 4 mars 1678, les médecins ne donnent pas cher de sa peau en raison de son aspect frêle et chétif. Très tôt, ses parents l’orientent vers l’existence calme de la prêtrise. Cependant, le garçon a une passion : le violon. Il apprend à en jouer en autodidacte avec son père, barbier et violoniste à l’orchestre San Marco. Il sera d’ailleurs le premier compositeur à promouvoir le concerto soliste, mettant en valeur un seul instrument. Une grande première dans l’histoire de la musique !

Acte 2 : prêtrise

En 1703, il suit pourtant la voie tracée : il est ordonné… prêtre catholique. Dès lors, le jeune homme de 25 ans est surnommé «Prêtre roux» en référence à la couleur de ses cheveux. Un sobriquet «plus connu à Venise que son véritable nom», ainsi que le rapporte son ami, le dramaturge Goldoni, dans ses Mémoires. Mais son ministère prend vite des allures de service minimum : il est dispensé de l’obligation de dire la messe pour cause de «maux de poitrine». Son asthme, feint ou réel, ne l’empêche cependant pas de s’adonner à la musique ni de l’enseigner : il est professeur de violon à l’Ospedale della Pietà, un prestigieux orphelinat pour jeunes filles, où il compose ses premières pièces.

Acte 3 : renommée

Bientôt, Vivaldi devient l’attraction de la Sérénissime ! De riches mécènes lui passent commande, dont le roi Louis XV de France et l’empereur Charles VI d’Autriche, qui le fera chevalier en 1728. Le Pape lui-même l’invite à Rome, où il est reçu, dit-on, comme un prince. Au total, il aurait composé une cinquantaine d’opéras – la moitié ayant été perdus -, dont le triomphal «Orlando furioso», 500 concertos, dont «Les Quatre saisons», et de nombreuses œuvres liturgiques. Vivaldi se targuait de pouvoir «composer un concerto plus vite que le copiste ne pouvait le transcrire». Ce n’est certes pas Jean-Sébastien Bach qui osera le contredire, ce dernier ayant transposé les œuvres du Vénitien au clavier pour son propre compte. Une pratique de plagiat courante à l’époque…

Acte 4 : décadence

Sa renommée lui vaut aussi des ennemis. En 1737, le cardial de Ferrare interdit la représentation d’un de ses opéras. Motif ? Vivaldi n’honore pas ses fonctions ecclésiastiques et entretient des relations douteuses avec la cantatrice Anna Giro et sa sœur Paola. Si le musicien part régulièrement en tournée à travers l’Europe avec les deux jeunes filles, il a toujours démenti ces accusations. Il finit néanmoins par quitter Venise en 1740, après avoir vendu ses biens et manuscrits. Installé à Vienne, le prêtre meurt, à 63 ans, dans la pauvreté et l’anonymat. Sans aucune cérémonie lors de ses funérailles mais, avec pour seule musique, le silence entourant sa mort. 

Cet article est paru dans le Télépro du 7/4/2022

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