À Rome depuis 500 ans, le Quirinal veille sur la capitale

Le palais du Quirinal et son obélisque surplombent Rome sur la plus haute de ses sept collines © Getty Images

D’abord palais des Papes, puis des Rois et, enfin, des Présidents : en cinq siècles, cet édifice romain a concentré plus de pouvoirs que n’importe quel lieu au monde !

De tout temps, Rome a été un nid à microbes ! Entourée de marais, la Ville Éternelle infligeait à ses habitants malaria, paludisme et autres fièvres des marais. Tous n’en mouraient pas, mais tous étaient frappés, aurait dit La Fontaine.

Aller plus haut…

Prendre de la hauteur était une solution. La ville n’était-elle pas construite sur sept collines ? Du temps de César déjà, les riches s’étaient accaparé le haut des buttes, où l’air était plus respirable. Ainsi, le pape Grégoire XIII décida de faire bâtir une résidence secondaire qui, l’été, lui permettrait d’échapper aux miasmes du Vatican pendant les jours torrides. En 1583, il s’installe dans un palais flambant neuf sur la colline du Quirinal. La plus haute des sept, tant qu’à faire. S’y succéderont trente papes, puis tous les rois d’Italie et, enfin, les présidents de la République.

«Si les murs pouvaient parler», ils en auraient des choses à raconter… pour paraphraser le titre de cette série de documentaires de Stéphane Bern (France 2, mardi).

Napoléon en rêvait

Aujourd’hui, nulle part sur la planète, il n’est de lieu qui fut occupé par le pouvoir aussi longtemps et sans discontinuer. Ce record va bien au Quirinal qui accumule les chiffres affolants : 110.500 m2 et 1.200 pièces ! Plus grands que lui, il y a peu de bâtiments, dont… la Cité du Vatican.

Voilà pourquoi, entre autres, Rome fascine. Napoléon, dont les relations avec le Pape étaient compliquées (il assigna à résidence Pie VII qui l’avait excommunié), rêva longtemps d’y établir la capitale de l’Empire français. Il y fit entamer des travaux au Quirinal pour s’y installer, et les surveillait même durant ses batailles. Des estafettes à cheval quittèrent la débâcle de Russie pour joindre Rome porteuses d’instructions destinées aux architectes qui y travaillait. Une fresque encore visible dépeint Jules César dictant ses Commentaires affublé d’une tête ressemblant furieusement à Napoléon !

Chantier perpétuel

Si ce dernier ne mit jamais un pied à Rome, sa volonté de marquer les lieux est le reflet d’une fièvre bâtisseuse qui frappa la quasi-totalité des occupants du Quirinal. Tout au long des siècles, il a été un vaste chantier, objet de transformations sans fin. Des agrandissements, modestes ou colossaux, ou des rénovations pour combattre l’usure du temps. Des mises au goût artistique de l’époque, ou des arrangements fonctionnels, comme cette conversion d’une aile en écurie de 200 chevaux pour la cavalerie de l’escorte royale, bien plus imposante que la petite garde papale. Et, parfois, des caprices, comme cette curieuse idée de la reine Hélène qui, en 1912, transforma le richement décoré Salon des cuirassiers (autrefois salle des audiences des ambassadeurs) en… terrain de tennis ! Elle avait d’abord imaginé en faire une salle de patinage…

Budget pharaonique

L’ère des grands travaux est passée. D’autant que le Quirinal est un gouffre pour l’État italien, qui y consacre un budget presque quatre fois plus élevé que l’Angleterre pour Buckingham. L’heure est aux économies pour les 1.720 personnes qui y travaillent. Cela n’a pas empêché la présidence italienne de lancer, au début des années 2000, un vaste programme de recherches patrimoniales pour mieux identifier les étapes de ses métamorphoses. Cocorico, le spécialiste de la question est un Belge de la région de Dinant, Louis Godart.

Horloge à six chiffres

Le Quirinal, à l’écart des circuits touristiques à Rome (sans être un site désert), est le genre d’endroit où on ne sait où poser le regard. Ici, une fresque relate l’étonnant voyage de sept ans du Japonais Hasekura, parti en 1613 au contact des chrétiens. Il traversa le Mexique, la France, Espagne, Italie, fut converti par le Pape et rentra enfin au Japon. Là, l’horloge de la Torrino, avec sa seule aiguille des heures sur un cadran à six chiffres (et non douze), ce qui implique que ladite aiguille, sur un jour, accompli quatre tours au lieu de deux. Une manière de se rappeler qu’à Rome, le temps semble s’écouler autrement…

Cet article est paru dans le Télépro du 5/08/2021.

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