Sea, sun and… parasol !

Véritable marqueur du temps, il permet aux historiens, de dater les photographies © Les Films d'Ici/Arte

Dans «Faire l’histoire» (Arte), l’historienne Elsa Devienne raconte le récit social et culturel de cet objet indispensable à tout bon vacancier.

Tout qui en possède un aurait voulu le sortir plus souvent au jardin cette année ! Synonyme de beau temps et de farniente, le parasol est l’accessoire indispensable lors d’un été ensoleillé. Mais il révèle aussi des choses sur notre rapport au corps et sur l’occupation de nos temps libres à la belle saison.

Datation photographique

En outre, véritable marqueur du temps, il permet aux historiens, dont Elsa Devienne, de dater les photographies. «Les photos de plage que l’on trouve dans les archives sont souvent non datées et le paysage donne généralement peu d’indices de l’époque à laquelle a été pris le cliché», explique-t-elle au magazine L’Histoire. «Or, c’est en observant les parasols – notamment s’ils sont nombreux ou au contraire très parsemés -, que je peux dater assez précisément une photographie.» Avant les années 1920, les images sont saturées des ombrelles rayées de l’époque. La plage et son soleil inquiètent plus qu’ils n’attirent. Peu de gens savent nager et se rendre au bord de l’eau est davantage une démarche hygiéniste pour conserver une bonne santé : prendre un bol d’air iodé et d’embruns, se rafraîchir brièvement en sautant dans les vaguelettes, se sécher rapidement sous le parasol, et plier bagage en évitant les rayons à tout prix.

Plage à l’horizontal

Durant l’entre-deux-guerres, au tournant de années 1930, se développe ce que l’historien Christophe Granger a qualifié de «plage à l’horizontal». Le bronzage devient à la mode et, pour arborer un teint hâlé, il faut s’allonger et s’exposer un maximum au soleil. Ce nouveau canon de beauté provoque une diminution du nombre de parasols sur les plages. Jusqu’à leur quasi disparition après-guerre. «Dans « Gidget » en 1959, un des premiers films de plage – les « beach movies » américains -, pas un parasol en vue !», détaille France Culture. «Les sports de plage, les torses nus et les « deux pièces » deviennent la norme. Le bronzage c’est la modernité : on travaille mais on sait goûter et profiter pleinement de ses moments de loisirs.»

Danger des UV

Dans les années 1970, le parasol fait son retour pour pallier une inquiétude nouvelle : le cancer de la peau. «Le soleil brille, l’imprudence brûle», assène l’une des premières campagnes de prévention contre le mélanome en France. Le soleil reste considéré comme bénéfique, mais à faible dose. En cause, ses dangereux rayons ultraviolets. La réapparition du parasol est d’abord timide. «Il demeure associé aux familles, aux personnes âgées. Le bronzage reste encore associé à la beauté, à la jeunesse, au plaisir et à la liberté», ajoute Elsa Devienne. Aujourd’hui, les parasols sont devenus un marqueur social. Nombreux et identiques, ils sont le signe d’une privatisation de l’espace par un hôtel. «Sur ces plages privées, nul besoin d’apporter son parasol», conclut l’historienne. «C’est le privilège des classes riches : elles transportent le minimum et profitent de tout le confort nécessaire pour protéger leur peau et se désaltérer».

Cet article est paru dans le Télépro du 19/08/2021.

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