Si le comptoir m’était conté…

Le doc de France 5 fait halte dans les cafés d’artistes. L’un d’eux, à Paris, porte cette aura depuis 1887 : le Flore. © Isopix

Refuges des solitaires et des fêtards, des habitués et des anonymes, ouverts du matin au soir, les cafés ont toute une histoire.

Troquets, zincs, rades, caberdouches, caboulots, bouis-bouis, estaminets, bars (on y consomme assis ou debout au comptoir, précise le Larousse), ce mercredi à 20h50, un documentaire de France 5 retrace l’histoire du «Café des artistes».

Derrière les verres, l’univers

Pour Balzac, le café était le parlement du peuple. Au XVIIe siècle, on parlait de «boutique de causerie». Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le photographe Robert Doisneau a magnifié ce lieu si convivial. Avec l’arrivée du juke-box, les clients y ont poussé les tables pour danser. Le cinéma de Claude Sautet l’a immortalisé sur pellicule derrière des écrans de fumée. Josiane Balasko a grandi dans le bistrot familial de Saint-Ouen. «Je passais ma journée à regarder les ouvriers, les postiers, les fauchés… J’ai eu l’occasion de côtoyer des alcoolos, des putes. Cela m’a appris à ne pas avoir un regard de défiance.»

Illico, presto, bystro !

Ah le bistrot ! Ce lieu sans prétention devrait son nom au mot russe «bystro» qui signifie «vite» ! Son origine remonterait à 1814, durant l’occupation de Paris par les soldats du tsar Alexandre Ier. Ils avaient l’habitude d’houspiller les garçons de café pour être servis plus vite. Aujourd’hui, le bistrot a la particularité de n’être ouvert que durant les heures de repas. C’est ce qui le différencie aussi d’une brasserie, un mélange plus spectaculaire de café-restaurant qui sert des plats typiques à la minute toute la journée, à des prix souvent plus abordables que le resto.

Le «grand dégrisant»

Revenons au café. Au commencement, il y a, bien sûr, le breuvage exotique introduit en Occident au milieu du XVIIe siècle, à l’issue d’un long voyage qui a débuté au Yémen. Un siècle plus tôt, il était arrivé en Perse et dans l’empire ottoman. Ce «grand dégrisant» s’est dégusté à Venise, Vienne, puis Paris, où il s’embourgeoise. Dans ses «Lettres persanes», Montesquieu cite le café raffiné Procope, créé en 1686 et fréquenté par les faiseurs des Lumières, Voltaire et Diderot. Dès le XVIIIe, le terme café désigne par extension l’établissement où le breuvage est bu, mais où d’autres nectars peuvent être consommés… Il se popularise et propose même un encas à manger sur le pouce. Dans «L’Assommoir», en 1876, Émile Zola décrit un monde ouvrier qui s’alcoolise au coin de la rue. L’assommoir, c’est le café de bas étage planqué au fond d’une ruelle, où l’absinthe et le picrate s’ingurgitent sans modération.

Les estaminets «bruxellaient»

Chez nous, les estaminets (petits cafés) fleurissent d’abord un peu partout. Beaucoup s’installent près de brasseries. La bière est servie à la pompe, une invention du mécanicien anglais, Joseph Bramah. Les cafés apparaissent plus tardivement et évolueront sous l’impulsion d’architectes d’Art nouveau. Jusque dans les années 1920, à Bruxelles, une maison sur dix est occupée par un café ou un estaminet !

À chacun son comptoir

Les colombophiles y côtoient les joueurs de cartes, d’échecs, fléchettes et dominos. Face à un client un peu trop éméché, le patron actionne «le zageman», un petit bonhomme surmonté d’une scie qui se met à balancer au bord du comptoir. Il avertit que le client commence à lui «scier» les nerfs… Avec le temps, billards et kickers laisseront la place aux juke-boxes, flippers, bingos, puis jeux d’arcades et consoles. Si le café de quartier n’est heureusement pas mort, sont apparus : les bars à vins, cocktails ou même à soupes ; les cafés-concerts, rhumeries, pubs anglais ; les cafés des sports, des artistes ou littéraires ; les cybercafés, lounge bars ou rock cafés… qui déclinent leurs spécificités depuis les années 1980.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/6/2021

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