«Tout s’explique» met de la pourriture dans vos assiettes  !

La botrytis cinerea est une moisissure appréciée de certains viticulteurs pour la production de leur boisson © Isopix/Dr Jeremy Burgess/Science Photo Library

Malgré le dégoût qu’ils peuvent susciter, champignons, moisissures, bactéries et levures ont toute leur place en cuisine. La preuve avec ces mets étonnants à savourer (de l’autre côté de l’écran) jeudi à 19h45 sur RTL-TVI.

Fromage mortel

Roquefort, camembert, brie, Saint Agur… Nombreux sont les fromages à contenir des moisissures, qui font leur spécificité. On parle alors de moisissures nobles. En Sardaigne, il existe un fromage réputé «le plus dangereux au monde». Infesté d’asticots vivants, le casu marzu («fromage pourri» en sarde) a même inspiré la célèbre «foune» des «Bronzés font du ski». Le processus de fabrication implique d’introduire, lors de l’affinage, des larves de piophila casei (soit des «mouches de fromage») dans un pecorino (fromage au lait de brebis à pâte pressée et cuite). Celles-ci engendrent un niveau élevé de fermentation, qui donne alors au fromage son aspect coulant et crémeux. Depuis 2005, le casu marzu est interdit à la vente en Europe, mais peut s’acheter au marché noir. Consommé avec ou sans les larves, il est décrit par Lonely Planet comme étant «visqueux et mouvant, il a une parfaite saveur de pourriture et de décomposition avec une note prolongée de vomi. Il brûle.»

À consommer… à l’extérieur !

Dans les rayons des épiceries suédoises, cette petite boîte de conserve paraît tout à fait anodine. Pourtant, elle impose de respecter quelques recommandations, dont la plus importante : l’ouvrir à l’extérieur ! Et pour cause, elle dégage, selon un rapport japonais, «la pire odeur du monde», entre œuf pourri et soufre. Elle contient des petits harengs de la Baltique, consommés sous toutes ses formes dans le pays. Ceux-ci ont la particularité d’être pêchés au printemps, salés et fermentés durant… plusieurs mois, voire plusieurs années ! Appelée surströmming, cette spécialité suédoise est dégustée – dehors, donc ! – sur une tranche de pain beurrée avec des pommes de terre et des oignons hachés. Ce procédé de conservation est utilisé depuis la guerre qui a opposé la Suède au Danemark et à la Pologne, au XVIe siècle. Depuis quelques années, la consommation de surströmming est devenue un challenge – des vidéos étonnantes circulent sur la Toile – et un festival se tient même chaque année dans le nord du pays scandinave.

Made in China

En Chine, l’œuf de cent ans est une spécialité culinaire bien connue et appréciée. De cane (ou parfois de poule ou de caille), cet œuf doit macérer durant plusieurs semaines dans un mélange de boue, de chaux, de cendres, de sel et d’aromates. Un mythe raconte qu’autrefois, il était fermenté dans de l’urine de cheval. Une fois prêt, son jaune est devenu vert et son blanc, brun translucide. L’œuf est alors consommé froid avec du gingembre, de la sauce soja ou du vinaigre. Bien sûr, cet œuf, qui dégage une forte odeur de soufre, ne vieillit pas réellement durant un siècle (d’ailleurs les Chinois le nomment «pidan», soit «peau-œuf»), son appellation proviendrait d’Occidentaux qui, à leur vue, se seraient exclamés que ces œufs pourris devaient avoir au moins cent ans !

De la pourriture… noble !

Botrytis cinerea. Ces deux mots font trembler la plupart des vignerons. Ils désignent un champignon se développant sur les raisins selon le taux d’humidité et d’ensoleillement. Pourtant, faire du vin avec des raisins pourris est le secret de certains viticulteurs qui le voient donc comme une aubaine. Exemples : le fameux sauternes (Bordeaux) ou le monbazillac (Bergerac). Ces vins blancs liquoreux sont qualifiés de «botrytisés». Dans ces vignobles, le coup d’envoi des vendanges ne sonne pas à la maturation des grains, mais plutôt quand la pourriture grise gagne les grappes. Car, dans certaines régions, un microclimat rend cette moisissure… noble. Cette dernière donne des fruits déshydratés et plus sucrés, procurant ainsi un goût particulier au breuvage. La légende raconte que cette pratique serait née au château d’Yquem en 1847. Cette année-là, le Marquis de Lur-Saluces est invité à une partie de chasse par le tsar de Russie. Il demande à ses employés de ne pas toucher aux vignes durant son absence. À son retour, la pourriture a gagné tout le vignoble. Qu’importe, il ordonne quand même la récolte et obtient un cru unique.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 28/01/2021.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici