Zoobiquité : si docs et vétos bossaient en duo…

Selon la zoobiquité, la médecine humaine a beaucoup à apprendre de celle des vétérinaires. Et inversement... © Getty Images

Peut-on améliorer notre santé en analysant comment les animaux tombent malades et guérissent ? Une science récente, la zoobiquité, le soutient.

Esquissée au XIXe puis tombée aux oubliettes, la médecine «évolutionniste» est désormais appelée «zoobiquité». Ou «zoobiquity», titre du livre de la cardiologue américaine Barbara Natterson-Horowitz. Elle n’est pas la seule à se pencher sur ce concept mais est l’une des pionnières sérieuses en la matière.

De grands espoirs

«Médecins et vétérinaires ont beaucoup à apprendre les uns aux autres», explique cette adepte d’une médecine qui franchit la barrière des espèces. Sa discipline soutient que l’étude des maladies présentes à la fois chez l’homme et l’animal pourrait sauver la vie des deux. Bien que critiquée – «C’est excellent en termes d’analyses comparatives mais pas encore en termes de prédiction de nouveaux traitements», oppose le Dr Ray Greek -, les travaux vont bon train.

Enthousiaste, l’auteure de «Zoobiquity» nourrit de grands espoirs pour ce concept. «En 1988, le zoo de Los Angeles m’a demandé une procédure d’imagerie cardiaque sur un chimpanzé. Au fil des ans, j’ai suivi d’autres animaux : ours, tapir, lion et un condor avec un souffle au cœur.» Ce fut une révélation : «J’ai comparé les informations de la médecine vétérinaire à la médecine humaine. J’ai commencé des recherches chez les animaux, captifs et sauvages, sur le diabète, l’athérosclérose, l’infertilité. Et le cancer du sein chez des femelles jaguars, tigres, otaries, kangourous, alpagas et lamas».

Psycho et sexologie

Étonnamment, la pratique n’est pas nouvelle. Au XIXe siècle, le pathologiste allemand Rudolf Virchow assurait : «Entre les médecines animale et humaine, il ne devrait pas y avoir de ligne de démarcation !» À son époque, animaux et humains étaient soignés par le même praticien : le médecin de la bourgade. Natterson-Horowitz souligne la qualité d’instinct conservée par les soignants des bêtes dont les patients ne peuvent dire où ils ont mal : «Je suis admirative des vétos du zoo qui posent le diagnostic non pas avec maints tests coûteux mais par une observation à l’ancienne !».

Elle souligne aussi les différences d’attitudes des docteurs en matière de sexualité et de pédopsychiatrie concernant leurs patients respectifs. «Les animaux n’ont pas de rapports sexuels protégés. C’est dangereux pour eux, tout comme pour nous, car un humain sur quatre dans le monde meurt d’une MST. Les vétos sont plus à l’aise que les toubibs pour évoquer la sexualité de leur patientèle. On devrait en prendre de la graine.».

La comparaison entre humains et animaux adolescents est aussi bluffante, selon elle. «L’étape est dangereuse pour les deux. Il y a certains parallèles tragiques mais fascinants. La mortalité annuelle est sept fois plus élevée entre 13 et 19 ans, principalement en raison d’accidents de voiture. Dans le monde animal, la mortalité est aussi liée à l’inexpérience du danger. Certains jeunes animaux encore naïfs vont vers un prédateur au lieu de s’en éloigner.»

L’obésité maîtrisée de l’ours

La cardiologue a un confrère, le Dr Kevin Corbit, qui, lui, s’intéresse au combat contre le diabète et l’excès de poids en analysant des grizzlis. «Avant l’hibernation, ils se goinfrent jusqu’à prendre 30 à 40 kg. Leur taux de mauvais cholestérol et leur tension artérielle grimpent, mais, contrairement aux humains, leur santé ne se détériore pas. Car leur métabolisme coupe complètement leur réactivité à l’insuline. Dans les prochaines années, je vais explorer comment ils y parviennent !»

Cet article est paru dans le Télépro du 15/04/2021.

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