
Difficile de zapper l'actualité tragique. Face à la déferlante d'images horribles qui tournent en boucle sur nos écrans, de nombreux citoyens continuent à se tourner, comme par réflexe, vers les éditions spéciales à la télé. Presque jusqu'à saturation.
Tremblements de terre, guerres, attentats, crise socio-économique... En ce moment, les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent, comme chantait l'autre. Avec un point d'orgue cette semaine côté belge, et l'attaque sur des Suédois à Bruxelles.
Comme on pouvait s'y attendre, les éditions spéciales qui ont suivi le drame ont rassemblé les foules : d'abord le soir-même, avec plus de 623.000 personnes cumulées rien que devant La Une et RTL tvi malgré l'heure tardive (LN24, LCI et d'autres chaînes avaient également embrayé). Puis mardi, avec les différents flashes et décryptages tout au long de la journée qui ont continué à captiver plusieurs centaines de milliers de Belges, que l'on retrouve dans le top 20 des audiences. Et malheureusement, il semble que ça ne soit pas près de s'arrêter...
Alors que nous disposons aujourd'hui de tant de moyens de nous évader de cette sombre actualité, comment expliquer notre attrait pour les émissions qui ressassent encore et toujours la misère du monde ? Pourquoi continuons-nous à nous faire du mal ? Les téléspectateurs que nous sommes sont-ils tous des masos qui s'ignorent, au point de retourner le couteau dans la plaie cathodique ? Voyeurisme ou curiosité morbide ?
Des psychologues auraient sans doute beaucoup à dire sur le sujet. Mais la réponse la plus pertinente à cette énigme est sans doute à chercher du côté de la philosophie, et me vient d'un professeur lorsque j'étais étudiant en journalisme, dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre 2001. Vingt ans plus tard, je n'ai rien trouvé de plus convaincant.
Selon lui, ce phénomène, qui se répète à chaque tragédie, s'explique par notre besoin naturel de comprendre quelque chose d'inédit. Face à un événement qui laisse sans voix, l'être rationnel cherche désespérément à éclairer sa lanterne, quitte à passer des heures devant les chaînes d'info en continu ou des débats sans fin.
Mais comment donner du sens à ce qui n'en a absolument aucun ? L'homme médiatique semble condamné à une quête sans fin...
Julien Vandevenne
Rédacteur en chef adjoint