
Finalement, y a-t-il encore besoin de journalistes pour nous éclairer en temps de campagne électorale ? C'est la question volontairement provocatrice que l'on peut se poser après avoir regardé le débat Macron/Le Pen sur TF1 et France 2.
Ils se contentaient de faire respecter le timing prévu et d'assurer les transitions entre les différents thèmes abordés. De simples passe-plats. Léa Salamé et Gilles Bouleau n'auront pas fait gloire au métier de journaliste lors du face-à-face politique télévisé entre le président français Emmanuel Macron et sa rivale d'extrême-droite Marine Le Pen.
Aucune question dérangeante, aucune intervention poil-à-gratter, aucune recontextualisation, aucune rectification lorsqu'une énormité est balancée en direct devant des millions de téléspectateurs... Ils se sont limités au rôle d'arbitres.
Mais ne leur en voulons pas trop : saviez-vous que, dans cet exercice bien particulier du débat d'entre deux tours à la télé française, tout, absolument tout, dans le moindre détail, fait l'objet de négociations intenses ?
Rien n'est laissé à la libre appréciation des chaînes, comme c'est pourtant le cas dans les autres émissions. Les thèmes abordés, pour ne pas dire les questions elles-mêmes, mais aussi des éléments très pratiques telles que l'écart entre les pupitres des deux candidats, l'éclairage, le nom du réalisateur aux manettes, les cas où les plans de coupe (contre-champs) sont autorisés... Ce sont les politiques et leurs conseillers qui décident des règles du «jeu» !
Les intervenants choisissent même les noms des journalistes qui vont les «interviewer»... Cette année, il s'avère d'ailleurs que le nom d'Anne-Sophie Lapix, présentatrice du JT de France 2, a d'emblée été écarté par les deux camps : Macron n'aurait pas digéré sa pusillanimité lors d'un entretien au début de la crise du covid !
Les journalistes ne sont que des pantins dans ces échanges. Ai-je d'ailleurs été le seul à être surpris de constater que le tandem à l'animation (je dis bien «animation» !) était cette fois placé un peu plus bas que les «vedettes» du jour, hors de l'estrade, bien à l'écart du ring de boxe ?
Tout cela, rappelons-le, aux frais des chaînes : les candidats n'interviennent en rien financièrement dans la production. C'est le téléspectateur, voire le contribuable, qui paie ce simulacre.
En tout cas, la note est lourde pour la profession de journaliste, essentielle dans une démocratie, mais déjà tant malmenée ces derniers temps.
Julien Vandevenne
Rédacteur en chef adjoint