
Diffusée en ce moment sur La Une et TF1, la minisérie «Une affaire française» rebute bon nombre de téléspectateurs, car elle concerne un tragique fait divers qui hante les esprits depuis 1984. Mais elle se distingue tout de même des autres productions du genre.
Les «fictions» qui s'inspirent de tels drames suscitent toujours la polémique. On pense à ce téléfilm récent de TF1 dans lequel Philippe Torreton prêtait ses traits à Michel Fourniret. Et depuis quelques heures, les réseaux sociaux s'enflamment à l'annonce d'un film évoquant l'affaire Dutroux.
Aborder de tels sujets ne revient-il pas à exploiter le malheur des gens pour en faire un produit commercial ? Ne peut-on pas laisser les victimes reposer en paix ? Pourquoi raviver les plaies ? Ces questions ressurgissent légitimement à chaque fois.
En cette rentrée, c'est la mort du petit Grégory Villemin qui revient sur le devant de la scène. En six épisodes, «Une affaire française» résume les grandes lignes de l'enquête. Mais ici, l'auteur et le mobile étant inconnus, les scénaristes et producteurs se gardent bien de prendre position, et s'en tiennent aux propos qui figurent dans le dossier. Les protagonistes n'ont d'ailleurs été consultés à aucun moment de la production, par souci d'impartialité.
Intelligemment, «Une affaire française» se focalise plutôt les errements et erreurs de l'enquête, ainsi que les débordements de la presse à sensation. Des faits qui ont été abordés dans d'innombrables documentaires et autres soirées basées sur des archives.
La différence avec ce qui a déjà été raconté par des journalistes, c'est que d'excellents comédiens illustrent fidèlement l'histoire : Guillaume de Tonquédec (alias Renaud Lepic dans «Fais pas ci, fais pas ça») apporte toute sa nuance au rôle du gendarme Sesmat, tandis que Blandine Bellavoir et Guillaume Gouix traduisent de manière réaliste la douleur des parents. Sans oublier Gérard Jugnot, surprenant à contre-emploi dans le rôle d'un avocat pro-peine de mort, et Laurence Arné, qui redore le blason du métier de reporter. Les acteurs nous permettent d'avoir une autre vision de ce dossier, plus humaine et moins froide que dans ce qu'on avait déjà lu et vu jusqu'ici.
Et puis, last but not least, pourquoi ne pas espérer que cette œuvre destinée au grand public permette enfin une résolution de l'énigme ? Les langues vont-elles enfin se délier grâce à l'émotion suscitée sur petit écran ?
Quarante ans plus tard, ce serait un juste retour des choses que les médias, tant conspués - souvent à juste titre - dans cette affaire, apportent enfin la clé du mystère.
Julien Vandevenne
Rédacteur en chef adjoint