
La diffusion du match Rafael Nadal/Novak Djokovic, accaparée par une plateforme payante, fait logiquement polémique. Mais l'horaire tardif de la rencontre majeure de cette édition de Roland-Garros n'est pas non plus sans poser question...
La semaine dernière, je vous parlais du tournoi de tennis de Roland-Garros, que je considérais comme le meilleur ennemi des étudiants en blocus et des télétravailleurs. J'étais loin d'imaginer que quelques jours plus tard, les faits me donneraient en partie tort en cette année 2022. J'oubliais les fameuses «Night sessions», apparues l'an dernier, mais dont les dommages collatéraux n'apparaissent que maintenant...
Ce mardi 31 mai en effet, les organisateurs ont décidé de faire jouer après 20 heures le 1/4 de finale entre les deux monstres sacrés que sont Rafael Nadal et Novak Djokovic. Et donc d'offrir l'exclusivité francophone de cette affiche à Amazon Prime, la plateforme de streaming du géant de la livraison à domicile. En Belgique, impossible d'y accéder ! La seule solution légale pour voir le duel était de se brancher sur la version néerlandophone d'Eurosport, pour celles et ceux qui y ont accès... Rien sur France Télévisions, ni sur la RTBF.
Sans payer, point de retour gagnant !
Malheureusement, ce genre de «privatisation» télévisuelle devrait se multiplier les prochaines années, compte tenu de l'augmentation exponentielle des droits de retransmission. Une chaîne généraliste a de plus en plus de mal à pouvoir offrir de grands événements à ses téléspectateurs. Exemple, avec le foot : si chez nous, nous avons encore la chance que RTL Belgium propose la Champions League «gratuitement», nos voisins français ont depuis belle lurette dû s'abonner à Canal+ ou beIn pour suivre les exploits européens du Real et consorts (hormis la finale sur TF1)... Ne soyons pas naïfs, l'argent prime toujours plus sur l'intérêt sportif. Malheureusement !
Non, ce qui m'a le plus choqué dans cette histoire, c'est le timing du match : il a débuté à 21 h, pour s'achever... à 1 h 16 ! Tout ça en pleine semaine. Autant dire qu'à moins de sacrifier de précieuses heures de sommeil, Monsieur ou Madame Tout-le-Monde, qui devaient se lever tôt pour aller travailler ce mercredi, n'ont évidemment pas pu suivre les échanges jusqu'au bout.
Et puis pensons aux gosses, pour qui ces sportifs servent souvent de modèles. Une rencontre de foot pliée à 22h30 une veille d'école ? Passe encore de manière exceptionnelle... Mais ici, quel parent responsable autoriserait une telle veillée ?
Aujourd'hui, peut-être plus encore que la belle victoire de Rafa sur Djoko, ce sont les critiques à l'égard des organisateurs qui font l'actu, y compris de celles et ceux qui étaient sur place. Les deux joueurs eux-mêmes se sont plaints. Et en sortant du stade en pleine nuit, de nombreux spectateurs se sont retrouvés sans métro ni transports en commun pour regagner leur domicile ou leur hôtel, créant une pagaille sans précédent à Paris, où on n'avait pas besoin de ça en ce moment...
Avec de telles pratiques, le tennis est-il en train de se couper d'une frange de la population, pour perdre son côté populaire et fédérateur ?
«Ce sont des questions que je me pose aussi. Mais le bilan, on le fera à la fin», promet Amélie Mauresmo, ex-n° 1 mondiale devenue directrice du Grand Chelem parisien. Espérons qu'une bonne nuit de repos la fasse revenir à la raison !
Julien Vandevenne
Rédacteur en chef adjoint