Après Waterloo, Napoléon rêvait de devenir américain

Après Waterloo, Napoléon rêvait de devenir américain
AFP

Trappeur, planteur, explorateur ? En juin 1815, au lendemain de Waterloo, Napoléon est prêt à émigrer aux Etats-Unis avec tous ses proches, un rêve américain qui, trois semaines plus tard, va se fracasser sur le veto des alliés.

Très vite après la défaite et son abdication en faveur de son fils, l’empereur est saisi par la tentation de l’Amérique. Alors qu’il est encore à l’Elysée, il demande à disposer de deux frégates de l’escadre de Rochefort pour le conduire outre-atlantique.

« Le projet reçoit le meilleur accueil du gouvernement provisoire qui y voit le moyen de se débarrasser de lui au plus vite », explique Christophe Pincemaille, commissaire avec Isabelle Tamisier-Vétois, de l’exposition « Cap sur l’Amérique, la dernière utopie de Napoléon » au château de Malmaison (jusqu’au 20 juillet).

Pas question de s’enfuir. L’empereur déchu, qui s’est installé à la Malmaison, est persuadé qu’il obtiendra le feu vert des Anglais et se croit à l’aube d’une nouvelle vie dans un continent auquel il est lié par sa famille. « Après tout, sa première épouse était une Américaine et son frère Jérôme a épousé la fille d’une des plus riches familles de Philadelphie », souligne Christophe Pincemaille.

Dès lors, la Maison de l’Empereur s’active à rassembler les effets dont il pourrait avoir besoin dans les lointaines terres américaines: mobilier pliant de campagne, souvenirs, vêtements, fusils, selles… jusqu’à sa baignoire. Des ouvrages sur les Etats-Unis sont réunis, des cartes extraites du cabinet des Tuileries, des instruments scientifiques collectés. L’astrophysicien François Arago doit être du voyage.

Vaisselle, meubles, argenterie : le Mobilier national est aussi mis à contribution. Il s’agit d’envoyer dans un deuxième temps de quoi aménager deux résidences, l’une en ville et l’autre à la campagne.

Réseaux franc-maçons

Napoléon caressa un temps l’idée d’un grand empire américain, mais après la désastreuse expédition de Saint-Domingue (plus de 20.000 soldats tués entre 1801 et 1803), il met fin à ce rêve en vendant très vite la Louisiane, soit un tiers du territoire américain à l’époque. La proposition surprit le président Jefferson qui n’en demandait pas tant.

Pour autant, l’empereur « suivait de près les affaires américaines », comme le montre sa correspondance diplomatique, note Christophe Pincemaille. Les Etats-Unis passent « pour la terre de toutes les espérances ». Le frère aîné de l’empereur, Joseph, qui vit en Suisse, a acheté d’immenses domaines dans un pays qui compte alors une importante communauté française.

Des personnes en costumes d'époque commémorent le 2e Jubilé impérial le 20 septembre 2014, à la Malmaison, où ont vécu Bonaparte et Joséphine

« L’homme le plus riche des Etats-Unis est un Français né à Bordeaux, Stephen Girard », rappelle Christophe Pincemaille. Armateur et banquier, il financera plus tard des colonies napoléoniennes au destin éphémère en Alabama et au Texas.

Le 8 juillet 1815, Napoléon monte à bord de la frégate La Saale, mouillée en rade de Rochefort au côté de La Méduse (celle du Radeau).

Après cinq jours d’attente, il faut se rendre à l’évidence : des navires anglais bloquent la rade et les sauf-conduits n’arriveront jamais. Les alliés n’ont aucune intention de le laisser partir.

Photo prise le 12 mars 2015 de l'intérieur de la dernière demeure de Napoléon, Longwood House, à Jamestown, dans l'île de Saint-Hélène dans l'Atlantique Sud

Reste le plan B préconisé notamment par Joseph : filer à l’anglaise. Il propose à son frère de prendre sa place en jouant de leur ressemblance physique. Napoléon refuse car il devrait laisser sur place toute sa suite.

Le 15 juillet, de guerre lasse, l’empereur monte à bord du vaisseau anglais Le Bellerophon et se place sous la protection du « plus puissant, du plus constant, du plus généreux de ses ennemis ».

Dix jours plus tard, Joseph, muni d’un faux passeport au nom de Surviglieri, trompe la vigilance anglaise à bord d’un navire de commerce et débarque fin août à New York.

« Qui organise tout ça ? ce sont les réseaux de la franc-maçonnerie parce que Joseph a été Grand-Maître du Grand Orient de France », précise Christophe Pincemaille. Un an plus tard, le frère de l’empereur acquiert une grande propriété près de Philadelphie où il vivra jusqu’en 1840.

Napoléon lui est parti à Sainte-Hélène où l’ont suivi les malles préparées pour l’Amérique. L’ex-souverain qui se voyait entamer une carrière scientifique – « dans cet immense voyage, nous étudierons tous les grands phénomènes de la physique du globe » – meurt le 5 mai 1821 dans sa terre d’exil.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici