Surfeurs de l’extrême au-dessus du cercle polaire arctique

Surfeurs de l'extrême au-dessus du cercle polaire arctique
AFP

L’eau fait seulement quelques degrés, il bruine, il vente, mais le petit groupe s’enfonce dans la Grande Bleue. Loin des plages ensoleillées de Californie, des inconditionnels pratiquent le surf au-dessus du cercle polaire arctique, été comme hiver.

Malgré sa latitude improbable qui la met au même niveau que le Nord de la Sibérie et de l’Alaska, la plage d’Unstad, sur l’idyllique archipel norvégien des Lofoten, est un spot de prédilection des surfeurs fuyant les destinations bondées.

Dans un décor époustouflant fait de cimes enneigées et de montagnes qui plongent dans la mer, on y vient 365 jours par an de tous les coins du monde, parfois dans de bons vieux vans aux accents hippies, pour se mesurer à des vagues presque toujours au rendez-vous.

« Ici, il y a de la houle la plupart du temps, le cadre est intimiste et le paysage à couper le souffle avec les aurores boréales, le soleil de minuit, la neige… », explique Tommy Olsen, un Viking de 45 ans, dont une vingtaine sur les planches.

« En 24 heures, on peut vivre toute une série d’expériences formidables : faire du snowboard dans le journée, surfer le soir, puis admirer les aurores boréales la nuit », souligne-t-il.

Des touristes suédois tentent de se   réchauffer dans leur tente après avoir surfé à Unstad Beach dans l'archipel norvégien des Lofoten, le 17 avril 2015

Propriétaire d’un camping, village de cabanons en bois rouge, tout proche de la plage, il est aussi moniteur de surf : « toute l’année, je ne fais rien d’autre que surfer, que ce soit au travail ou sur mon temps libre », confie-t-il.

Ration double l’été quand le soleil de minuit baigne les lieux d’une lumière permanente, permettant aux aficionados d’exercer de jour comme de nuit.

Haut-lieu du tourisme en pleine nature et de la pêche, les Lofoten sont traditionnellement tournées vers la mer. A un jet de galet de la plage, des milliers de têtes de cabillaud sèchent sur de gigantesques tréteaux en bois, attendant probablement d’être exportées vers l’Afrique, où elles seront pilées pour être transformées en complément nutritionnel.

C’est le beau-père de Tommy Olsen qui, le premier, a eu l’idée d’introduire le surf dans l’archipel au début des années 1960 : de retour d’un séjour à l’étranger, Thor Frantzen et un camarade avaient construit leurs planches avec du polystyrène, du papier journal mouillé et de la colle.

« Nous n’avions pas d’argent à cette époque », explique ce pionnier de 67 ans.

Pas de requins

Un demi-siècle plus tard, la plage d’Unstad est un rendez-vous prisé des surfeurs, venus pour certains des antipodes, pour jouer les équilibristes sur les lames de l’Arctique.

Des touristes suédois retournent dans leur campement après avoir surfé à Unstad Beach dans l'archipel norvégien des Lofoten, le 17 avril 2015

Dans une ambiance décontractée et conviviale, un australien tourne un film publicitaire et côtoie des locaux aux barbes « roots » – retour aux sources – et sept étudiants suédois qui, la tente sauvage à peine plantée après un périple de six heures, se jettent à l’eau, la planche sous le bras.

Ne manquent plus que les ballades des Beach Boys et… quelques degrés supplémentaires.

Si les plus téméraires peuvent faire trempette dans cette région de l’Arctique, c’est grâce au Gulf Stream, ce courant océanique chaud qui traverse l’océan Atlantique pour lécher le littoral norvégien. Du coup, la température de l’eau tombe rarement en-dessous de 5°C. Loin tout de même de celle enregistrée dans les contrées tropicales.

« Pour surfer ici, il faut une combinaison de 6 mm d’épaisseur, des chaussures et des gants. On a un peu l’impression d’être un lutteur de sumo », confie Kristian Breivik. « Le pire, c’est de sortir de l’eau et de se changer à l’arrière de la voiture ».

Le surfeur norvégien Kristian Breivik devant son entrepôt de planches, près de Unstad dans l'archipel des Lofoten, le 17 avril 2015

Agé de 44 ans, avec ses cheveux poivre et sel mi-longs, il conçoit des planches sur ordinateur, les fait fabriquer en Afrique du Sud, puis les vend dans son garage.

Après en avoir écoulé environ 150 l’an dernier, il s’apprête maintenant à ouvrir la boutique de surf la plus septentrionale au monde, par 68° Nord.

Une latitude qui a aussi ses avantages : « Ici, il n’y a pas de requins », lâche en souriant Kristian Breivik.

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