Un faux journaliste condamné pour avoir écumé pendant des années les festivals

Un faux journaliste condamné pour avoir écumé pendant des années les festivals
AFP

Vivant dans l’isolement, il s’est fait passer pendant des années pour un journaliste de France Culture pour écumer les festivals de musique : un homme de 55 ans a été déclaré coupable jeudi d’escroquerie et usurpation de titre.

« Le but, c’était de rencontrer des vedettes », Alain Souchon, Laurent Voulzy, Julien Clerc, Maxime Le Forestier, raconte le prévenu à la barre du tribunal correctionnel de Paris. « Je n’ai pratiquement pas d’amis », affirme-t-il, « je suis assez stressé, angoissé par la vie ». Paradoxalement, « le fait d’aller rencontrer des stars, ça me désinhibait », « quand on est en face d’un artiste, on va jusqu’au bout ».

Pendant ses vacances, ses week-ends, il se faisait payer ses frais de transport, hébergement, restauration par les organisateurs de festivals auxquels il se rendait sous un faux nom. Sans toutefois se montrer trop gourmand : il se contentait de billets de train en seconde classe, d’hôtels bas de gamme.

Pendant quelques jours, il s’invitait « dans un autre univers ». « Ça me faisait du bien psychologiquement », dit-il.

La découverte des faits en 2010, et sa garde à vue, sont pour lui un traumatisme. Auditeur assidu de France Culture depuis ses 15 ans, l’auditeur se trouvait alors à un festival à Lorient (Morbihan) et avait quitté précipitamment son hôtel car on venait de lui demander sa carte de presse.

Il s’était déjà trouvé dans une telle situation mais avait donné le change en montrant les badges d’autres festivals.

Muni de son magnétophone, il réalisait des interviews, parfois même en anglais, et réécoutait les cassettes, « en souvenir », qui s’amoncelaient dans le désordre de son appartement, encombré de coupures de journaux, de photos d’artistes.

Titulaire d’un DEA d’anglais, d’une maîtrise de linguistique et d’informatique, il a « toujours eu envie de devenir journaliste ». S’il a « essayé de faire des piges à droite à gauche » pendant un ou deux ans, « ça n’a jamais fonctionné ».

Il vit sa vie par procuration

Fondant larmes à la barre, il assure : « Je n’ai voulu faire de mal à personne. »

Les journalistes de Radio France sont défrayés par leur employeur, « il n’est pas question de se faire inviter, c’est un gage de leur liberté », a plaidé l’avocat des stations publiques, Basile Ader, invoquant un « préjudice d’image ».

« Difficile de ne pas avoir de compassion », a dit la procureure Solène Dubois, pour qui le prévenu vit « une grande partie de son existence » par « procuration ». Mais « il y avait d’autres possibilités », comme tenir un blog, fait observer la représentante de l’accusation. Elle a requis une peine de trois mois de prison avec sursis.

L’avocat du prévenu, Grégoire Lafarge, a salué le « climat de compréhension » lors des débats. Il a profité de sa plaidoirie pour épingler les journalistes, faisant allusion à l’actualité, révélations récentes des journalistes du Monde, incarcération de la starlette Nabilla.

PALAIS-JUSTICE-FRONTON

Selon Me Lafarge, l’usurpation de titre n’est pas applicable à la profession de journaliste, car elle n’est pas selon lui réglementée par l’autorité publique.

Le tribunal a jugé du contraire, une décision sans précédent.

Le prononcé de la peine a été ajourné au 4 juin 2015 et le quinquagénaire devra d’ici là verser 2.000 euros de dommages et intérêts et 500 euros pour les frais de justice à Radio France.

« Si tout se passe bien, on pourra envisager une dispense de peine », a déclaré le président de la 13e chambre correctionnelle.

« Je vous remercie M. le président, je peux payer tout de suite si vous voulez », a répondu le prévenu.

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