Ils se présentent comme de simples visiteurs. Ce sont des terroristes décidés à faire libérer leurs camarades de la bande à Baader. Mais les autorités choisiront ce jour-là de ne plus céder…
«J’ai perdu mon passeport… » Deux jeunes hommes se présentent à l’entrée de l’ambassade d’Allemagne fédérale à Stockholm. Le portier leur indique un service au premier étage. Quelques minutes plus tard, un couple demande conseil pour une affaire d’héritage. Puis viennent deux autres hommes, cette fois pour un permis de séjour. Le portier refuse, « ce n’est pas de notre ressort ». Les deux gaillards forcent l’entrée. Et tout bascule. Un policier allemand tente de les arrêter. L’un des hommes jette son manteau en arrière. Il tient une mitraillette. Nous sommes le 24 avril 1975.
Libérez Baader !
C’est le début d’une prise d’otage qui va marquer l’Histoire. Les cinq hommes et la femme sont armés. Ils se revendiquent du kommando Holger Meins, en hommage à un membre de la Fraction armée rouge (RAF, extrême-gauche) mort en prison. Leur objectif ? Forcer la libération de vingt-six camarades, dont Andreas Baader, figure emblématique de la bande du même nom. Leur menace est claire, « si la police intervient, nous ferons sauter le bâtiment avec 15 kilos de TNT ! »
Une douzaine de personnes, dont l’ambassadeur, sont prises en otage, attachées avec des cravates ou du ruban adhésif, les visages plaqués contre le sol. La police suédoise occupe les étages inférieurs de l’ambassade. Alors, les ravisseurs décident de passer aux exécutions. Le premier à tomber est le baron Andreas von Mirbach, attaché militaire. Il est abattu sur le palier. L’histoire a un goût amer, car en 1918, son aïeul Wilhelm von Mirbach avait lui aussi été assassiné par des révolutionnaires dans l’ambassade allemande à Moscou.
Une balle dans la tête
Le chancelier allemand Helmut Schmidt, qui a récemment fait face à une autre prise d’otages, refuse de négocier. Les terroristes forcent en représailles un autre otage, le conseiller commercial Hillegart, à se montrer à la fenêtre. « Ici Hillegart, vous m’entendez ? J’ai quelque chose à dire ! » hurle-t-il dans la nuit. Puis il s’effondre, abattu d’une balle dans la tête. Les otages vont mourir un à un, chaque heure, préviennent les assaillants.
La police suédoise prépare l’assaut. Mais peu avant minuit, une explosion secoue tout le bâtiment. Le TNT a sauté. Pourquoi ? Nul ne le sait. Une grenade lâchée par mégarde ? Un détonateur instable ? L’un des membres du commando est tué sur le coup. Un autre décédera plus tard. Les otages, blessés, fuient en titubant dans la rue. Les membres du commando sortent à leur tour, hébétés. Tous sont arrêtés. Mais ce n’est que le début de « l’automne allemand », la période la plus sombre de la lutte antiterroriste en Allemagne de l’Ouest.
L’attentat de Stockholm marquera aussi un autre tournant. Car les autorités adopteront désormais une position de fermeté absolue, plus de négociation avec les terroristes. Cette doctrine officieuse inspirera plusieurs pays d’Europe. L’attaque reste, aujourd’hui encore, un cas d’école dans les formations sur la lutte antiterroriste.
Deux ans avant cette prise d’otages, un braquage dans une banque de Stockholm donne lieu à un phénomène psychologique inattendu. Pendant six jours, les employés retenus finissent par témoigner de la compassion, voire de l’attachement, pour leurs geôliers. L’une d’elles ira jusqu’à défendre son ravisseur après sa libération.
Ce phénomène sera ensuite baptisé « syndrome de Stockholm » par le psychiatre Nils Bejerot. Il désigne le mécanisme psychologique par lequel une victime de prise d’otages ou d’abus développe un lien affectif avec son agresseur, souvent dans un contexte de forte dépendance émotionnelle ou physique. Si le concept est médiatisé et largement repris dans les séries, il reste discuté par certains experts, qui y voient davantage un cas particulier qu’un véritable syndrome.
Aucun comportement de ce type n’a été observé lors de la prise d’otages de l’ambassade.
Cet article est paru dans le Télépro du 31/07/2025.