Archéologie : des grottes de Lascaux en Amazonie

Cachées au cœur de la forêt amazonienne, ces peintures rupestres représentant animaux et scènes humaines dévoilent certains secrets des premiers colonisateurs du continent © UN FILM À LA PATTE

De mystérieuses peintures rupestres y racontent la vie des peuples de la préhistoire. Arte leur consacre un documentaire samedi à 20h50.

Au cœur de la forêt amazonienne, la Serranía de la Lindosa est une des régions les plus étonnantes de la Colombie. Un massif montagneux peu connu, avec ses rochers en équilibre, ses galeries et ses tunnels massifs, ses forêts d’arbres immenses, ses animaux sauvages. Dans les années 1980, l’accès de cet espace presque aussi grand que la Wallonie est strictement interdit : l’armée gouvernementale et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) s’y livrent une guerre féroce et meurtrière. Un accord de paix intervient en 2016. La Serranía de la Lindosa peut enfin s’ouvrir aux archéologues. Elle leur réserve une incroyable surprise.

Le dernier défi

Il y a environ 15.000 ans, l’Amérique du Sud est le dernier continent habitable à être colonisé par l’homme. Comment les premiers colons se sont-ils adaptés à cette terra incognita et comment ont-ils façonné la riche diversité culturelle et environnementale du continent ? Ce sont les questions que se posent les promoteurs du projet « Last journey » (« Dernier voyage »). Les experts de cette équipe internationale et multidisciplinaire (archéologie, zooarchéologie, archéobotanique…) se rendent en Colombie dès 2017 pour étudier ce qui constitue à leurs yeux le dernier défi migratoire continental de l’humanité lors de son expansion mondiale. La zone choisie avait attiré des scientifiques dès les années 1950. Les nouvelles explorations vont dépasser tous les espoirs.

L’autre chapelle Sixtine

La fresque découverte est hors norme : dessinée il y a environ 12.500 à 11.800 ans, elle s’étend sur près de 13 km ! Sur les pierres des collines, une multitude de motifs sont peints à l’ocre, un pigment de couleur rouge composé d’oxyde de fer et d’argile. On trouve des empreintes de mains et des formes géométriques, mais aussi d’innombrables représentations de personnages et de scènes de la vie quotidienne de l’époque. Des dessins d’hommes figurent aux côtés de ceux d’animaux. Des poissons, des cerfs, des serpents, des alligators et bien d’autres pour les plus petits, des paresseux géants, des chevaux (dont le crin est encore visible) et des paléolamas (ancêtres des chameaux et dromadaires actuels). Mark Robinson, archéologue à l’Université britannique d’Exeter et co-chercheur du projet exprime son émerveillement : « Ces peintures donnent un aperçu vivant et passionnant de la vie de ces communautés. C’est incroyable pour nous aujourd’hui de penser qu’ils vivaient parmi des herbivores géants, dont certains avaient la taille d’une petite voiture. » « Chapelle Sixtine » pour les uns, « Musée à ciel ouvert » pour d’autres, la Serranía de la Lindosa est décrétée aire archéologique protégée par les autorités colombiennes en juin 2018.

Défense d’entrer

Plus au sud de la Serranía de la Lindosa, le site du parc national de Chiribiquete, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. 20.000 ans avant notre ère, les peuples autochtones ont réalisé plus de 75.000 peintures sur les parois de soixante abris. « Ces peintures représentent des scènes de chasse, des batailles, des danses et des cérémonies, ainsi que des espèces de faune et de flore, avec notamment le culte du jaguar, symbole du pouvoir et de la fertilité », détaille l’Unesco. Tandis que les autochtones qui peuplaient la région il y a des milliers d’années livrent quelques-uns de leur secrets grâce à ces incroyables fresques, les communautés actuelles considèrent Chiribiquete comme un lieu sacré qui ne peut pas être visité et qui devrait être préservé sans modification.

Cet article est paru dans le Télépro du 12/6/2025

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