Art : Louise Bourgeois, la mère de « Maman »

Louise Bourgeois © Corbis via Getty Images

Louise Bourgeois est l’une des sculptrices incontournables du XXe siècle. Jusqu’à 70 ans, elle n’a pourtant pas vraiment cru en son talent…

C’est une artiste majeure du XXe siècle, mais elle reste encore mal connue du grand public. Peut-être parce qu’elle est inclassable – à la fois dessinatrice, graveuse, sculptrice, plasticienne… C’est une artiste totale qu’Arte nous invite à (re) découvrir ce dimanche à 17h55 : « Louise Bourgeois, la sculpture et la colère ».

Crayon et trahison

L’histoire commence à Aubusson, capitale de la tapisserie. C’est de là que provient la famille de Louise Bourgeois (1911-2010). Ses parents, installés à Paris, sont restaurateurs de tapisseries anciennes. La petite grandit dans l’atelier, avec un crayon dans une main et une aiguille dans l’autre. Mais de sa jeunesse, ce sont d’autres souvenirs qui dominent. D’abord la trahison de son père – il trompe sa mère durant de longues années avec la gouvernante qui vit sous le même toit. Ensuite la mort prématurée de sa maman. Louise a tout juste 20 ans.

Tous ses traumas

La jeune femme se réfugie dans l’étude des Beaux-Arts. Puis elle ouvre une galerie. Dans les années 1930, elle expose Matisse et Bonnard. En 1937, elle fait la connaissance d’un historien de l’art américain, qu’elle épouse et suit à New York. Fernand Léger, qu’elle avait eu comme professeur, lui avait dit qu’elle était une piètre peintre, mais une excellente sculptrice. Louise Bourgeois se consacre donc à la sculpture. Influencée par la psychanalyse, son œuvre est empreinte de tous ses traumas. Enfance, angoisse, maternité, sexualité… Ainsi la série des « Femme Maison » évoque-t-elle la condition de la femme, coincée dans l’univers domestique.

L’assistant

Dans les années 1970, Louise Bourgeois devient l’égérie des féministes. À 60 ans, elle qui ne s’est jamais reconnue dans aucun mouvement, n’en demandait pas tant. Sans doute aurait-elle même détruit toute son œuvre si elle n’avait fait la connaissance de Jerry Gorovoy, un étudiant new-yorkais qui bosse dans une petite galerie de Soho pour financer ses cours. Quand on lui propose d’organiser sa première expo, il contacte Madame Bourgeois. Elle a 70 ans, il en a 20. Il comprend combien elle est fragile et ne mesure pas l’étendue de son talent. Il devient alors son assistant, et le sera jusqu’à sa mort, à 98 ans, en 2010.

Maman au MoMa

Sans Gorovoy, le travail de Louise Bourgeois serait-il passé à la postérité ? Il la rassure, la canalise, la protège. Il gère son atelier, ses archives, ses papiers. Et surtout, il promeut son œuvre. En 1982, le MoMa (Museum of Modern Art) de New York lui consacre une rétrospective. C’est la première fois qu’une femme a cet honneur de son vivant. Il faudra attendre 2009 pour que Paris, la ville natale de Louise Bourgeois, fasse de même au Centre Pompidou. C’est aussi de ces années de vieillesse que date l’œuvre la plus connue de l’artiste : une araignée géante baptisée « Maman ». Qui tisse une toile comme la tapissière d’Aubusson…

Cet article est paru dans le Télépro du 10/7/2025

L’œuvre la plus connue de l’artiste : une araignée géante baptisée « Maman ». Il en existe plusieurs exemplaires exposés dans différents endroits du monde, comme ici, au musée Guggenheim de Bilbao (Espagne). © VW Pics/Universal Images Group via Getty Images

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