Samedi à 20h55, Arte dévoile un pan relativement méconnu de la Grèce antique, celui d’un bataillon composé de guerriers amoureux.
Au nombre de 300, le bataillon dit « sacré » de Thèbes possédait la réputation d’être composé des soldats les plus difficiles à vaincre de la Grèce antique. Découvertes archéologiques et sources historiques relèvent une autre spécificité de cette troupe : elle était composée, en grande partie, d’amants. Décryptage.
La pointe de la pointe
379 av. J.-C. Un groupe d’exilés parvient à reconquérir sa Thèbes natale, encore traumatisée par la guerre du Péloponnèse (431 à 404 av. J.-C) et occupée depuis trois ans par les Spartiates. Mené par le stratège Pélopidas, le bataillon victorieux, 300 soldats en tout, s’organise en corps d’élite et transforme la capitale de la Béotie en l’une des plus puissantes cités de Grèce. Cette nouvelle armée voit sa réputation prendre rapidement de l’ampleur et se retrouve placée en première ligne de régiments thébains disposés en phalange. Comprenez une formation en bloc compact au cœur desquels les fantassins lourdement armés sont rangés en lignes et avancent bouclier contre bouclier. « Ainsi construit, caparaçonné et hérissé de pointes, le régiment est capable d’éventrer une armée ennemie : il s’illustre notamment à Tégyres en 375 av. J.-C., ne faisant qu’une bouchée des féroces Spartiates », indique Nicolas Méra, auteur, journaliste scientifique et historien, dans Slate.
L’amour, arme de guerre massive
Mais à quoi peuvent bien carburer ces centaines d’hommes pour être à ce point invincibles ? À l’amour, pardi ! Les 300 guerriers seraient effectivement formés de 150 couples. En réalité, pour l’époque, cette information n’a rien de très sulfureux. Le regard que l’on pose alors sur les relations homosexuelles masculines est souvent bien moins sévère que celui qu’on peut avoir, hélas, encore aujourd’hui. Ne prenons pour témoin que la plume de Platon : « Si par quelque enchantement, un État ou une armée pouvait n’être composé que d’amants et d’aimés, il n’y aurait point de peuple qui portât plus haut l’horreur du vice et l’émulation de la vertu. Des hommes ainsi unis, quoiqu’en petit nombre, pourraient en quelque sorte vaincre le monde entier. »
Pour le meilleur et pour le pire
Le corps d’élite thébain n’échappera malheureusement pas à l’adage : les histoires d’amour finissent mal, en général. En 338 av. J.-C., Philippe II de Macédoine et son jeune fils, futur Alexandre le Grand, déciment 254 des 300 valeureux guerriers lors de la bataille de Chéronée. Réputé bisexuel, Philippe II, apprenant la nature amoureuse du bataillon, est ému aux larmes. D’après Plutarque, il se serait alors écrié au beau milieu du champ de bataille : « Si quelqu’un pense que ces hommes étaient honteux, qu’il les tue ! »
Pour honorer leur amour, on enterre les soldats dans une sépulture collective surmontée d‘un majestueux lion de marbre. Lorsque cette tombe est découverte à Chéronée en 1879, les relations amoureuses des membres du bataillon sacré seront passées sous silence, l’homosexualité étant considérée, dans l’Europe du XIXe siècle, comme un délit voire un crime.

Cet article est paru dans le Télépro du 13/11/2025