La création de Georges Bizet fête ses 150 ans et Arte lui consacre une large partie de ses programmes ce dimanche.
3 mars 1875, grande première parisienne d’un nouvel opéra nommé « Carmen ». Alors que son auteur, Georges Bizet, est décoré de la Légion d’honneur quelques heures avant le lever de rideau, son œuvre n’obtient qu‘un accueil glacial de la part du public. 150 ans plus tard, nous pouvons pourtant, sur la plupart des continents, fredonner un air de ce blockbuster de l’art lyrique…
Bizet, oiseau rebelle
1872. Georges Bizet, alors jeune auteur apprécié par ses pairs, reçoit une commande de Camille du Locle, directeur de l’Opéra-Comique, salle de spectacle parisienne. Bizet accepte, lui qui n’a pas encore été réellement adoubé par le public.
Pour le livret, il s’entoure de son cousin par alliance, Ludovic Halévy, et Henri Meilhac, contributeur de tubes pour Offenbach avec « La Belle Hélène », notamment. Pour l’argument de son opéra, Georges se tourne vers une nouvelle de Prosper Mérimée, « Carmen », publiée en 1847. Outre l’élaboration de la musique, Bizet va apporter quelques modifications à la trame de l’histoire initiale. Le personnage secondaire de Carmen, bohémienne dont Don José est fou dans la nouvelle de Mérimée, devient l’héroïne principale. « Carmen n’est pas une prostituée, mais une femme affranchie qui refuse les conventions et l’hypocrisie. Menteuse et voleuse dans la nouvelle, cette gitane devient un personnage libre et sincère sur la scène », indique Point de Vue. « Pour incarner le rôle-titre, Camille du Locle choisit Célestine Galli-Marié, dès 1873. Une artiste exceptionnelle. »
Un four de première
Dès les premières répétitions, l’opéra semble cependant frappé de malédiction : le sujet indigne les mœurs de l’époque, les répétitions sont chaotiques, l’interprète de Carmen fait des caprices, les chanteurs et choristes dédaignent la musique, les paroles et se plaignent de la mise en scène, menaçant de faire grève.
La première parisienne est une catastrophe. L’orchestre se révèle incompétent, le temps employé pour changer les décors est affreusement long et la sulfureuse bohémienne choque les bourgeois : « On lui reproche de mettre en scène une ouvrière (une cigarière) qui prétend, ô scandale, choisir ses amants et ses amours », détaille Hérodote.net. Sifflets, départs de spectateurs dès le premier acte et critiques spécialisés relativement mitigés, « Carmen » semble n’être destinée qu’à l’oubli.
Prends garde à toi !
Malgré l’accueil tiède, l’opéra continue d‘être proposé aux nombreux curieux qui désirent voir l’objet du scandale de leurs yeux. Bizet, lui, brisé par la bérézina inaugurale, se réfugie dans sa maison de Bougival. Trois mois plus tard, en juin, il meurt d’une crise cardiaque, à l’âge de 36 ans, après avoir fait un imprudent plongeon dans les eaux glacées de la Seine. En octobre de la même année, « Carmen » est repris à Vienne. C’est le début d’une longue carrière internationale pour cet opéra et sa bohémienne insoumise.
Cet article est paru dans le Télépro du 5/6/2025