Posséder une île, c’est possible, et parfois même pour moins de 200.000 €. Mais entre contraintes environnementales, logistique infernale et réalités sociales, la carte postale a son revers.
Imaginez-vous propriétaire d’un îlot de sable fin bordé d’eaux turquoise au cœur de la mer des Caraïbes, à deux pas du deuxième plus grand récif corallien du monde. Une carte postale ? Non, une réalité au Belize, comme le montrent François Mazure et « Un monde à part », dimanche sur La Une. Seul pays anglophone d’Amérique latine, coincée entre le Mexique et le Guatemala, cette contrée de moins de 450.000 habitants n’est pas qu’un paradis fiscal. Son autre spécialité ? Brader ses îles « paradisiaques ». Tandis que sa population, elle, peine à joindre les deux bouts.
Le prix d’un appart
Là, une petite île équipée de cabanons solaires est proposée pour 500.000 €, embarcadère compris. Soit le prix d’un appartement avec vue sur mer à Westende. Des îlots hérissés de quelques cocotiers seulement se vendent parfois à moins de 200.000 €. À l’inverse, ceux qui abritent villa et dépendances partent pour plusieurs millions. Cela restera toujours moins cher qu’aux Bahamas, où Luc Besson a mis en vente, l’an dernier, son île privée pour 69 millions d’euros. Mais pour en revenir au Belize, il ne sera même pas nécessaire d’être physiquement présent pour acquérir un bien immobilier. Un agent spécialisé ou un conseiller juridique pourra agir en votre nom.
Pas de shopping…
Pour les coins les plus isolés en mer, il faudra néanmoins composer avec la solitude, piloter un bateau, pêcher pour se nourrir et gérer vos propres ravitaillements. Pas de boutique ni de resto sur votre île. Et gare à la saison des pluies, de mai à novembre, rythmée par les ouragans et les tempêtes. Le tout, avec une humidité étouffante, des moustiques et parfois des contrebandiers ! Il faudra aussi accepter de participer, indirectement, à un système bien peu transparent, dans un pays où près de 40 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Car pendant que les millionnaires s’offrent des cayes (îles) privées, les pêcheurs locaux perdent l’accès à leurs zones de pêche. Les communautés sont dépossédées. Et la corruption fait rage. Certains terrains publics sont cédés à bas prix à des proches du pouvoir, puis revendus à prix d’or. Un système informel d’intermédiaires locaux (notaires, avocats, agents immobiliers) facilite les transactions en contournant les règles.
France, Écosse et Grèce vendent leurs îles
Inutile cependant d’aller à l’autre bout du monde pour s’offrir une île. En France métropolitaine, on en dénombre environ deux cents privées, majoritairement en Bretagne. Les prix varient de quelques centaines de milliers d’euros pour un simple rocher sans infrastructure à plusieurs millions pour une île de 1 à 1,5 hectare. Mais attention : la plupart sont soumises à des réglementations strictes, notamment celles du Conservatoire du littoral qui interdit toute construction. Pour y vivre, un bâti existant est donc indispensable. L’île bretonne de Costaérès, à Trégastel, et son château du XIXe siècle, par exemple, ont été mis en vente à 9,5 millions d’euros.
Direction l’Écosse, où l’île de Shuna, elle aussi avec un château, est proposée à 6 millions d’euros.
En quête de soleil ? En Grèce, certaines îles sont affichées sur des sites spécialisés à partir de 2,5 millions d’euros. Mais lors de la crise grecque, certaines avaient été bradées à moins de 200.000 € !
Reste qu’acheter une île, c’est souvent gérer un monde à part : raccordements inexistants, accès limités, contraintes environnementales… Les autorisations sont longues à obtenir, notamment en Grèce, où même le ministère de la Défense doit donner son feu vert. La tranquillité, ce luxe rare, demande de l’argent et du temps.
Cet article est paru dans le Télépro du 31/07/2025.