En plein désert, des cerfs-volants de pierre

Comment ceux qui ont construit ces « enclos » immenses l’ont-ils fait sans vues aériennes ? Le mystère reste entier… © Khaybar LDAP

Il y a des milliers d’années, l’homme érigeait dans le désert d’énormes pièges de pierre pour la chasse. On les appelle « les cerfs-volants du désert ». Jeudi à 21h05, France 5 raconte leur étrange histoire.

Retour en 1920. La France et le Royaume-Uni obtiennent de la Société des Nations (l’ancêtre de l’Onu) l’administration d’anciens territoires ottomans. La Syrie et le Liban pour ce que l’on appelle « le mandat français », la Palestine, la Jordanie et l’Irak pour le mandat britannique.

Mystérieuses murailles

Alors qu’ils survolent le désert dans ces régions, des pilotes militaires des deux nations font d’étranges observations aériennes. De leurs avions, ils voient se découper au sol de surprenantes constructions. D’abord des murets de pierres sèches. Souvent au nombre de deux, ils forment une allée de plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres de longueur pour quelques décimètres de hauteur. Au bout de cette immense allée en forme de « V », d’autres constructions, circulaires, triangulaires ou en forme d’étoile, de quelques centaines de mètres carrés à une dizaine d’hectares. Du ciel, ces structures ressemblent à de gigantesques cerfs-volants. Les aviateurs britanniques les baptisent « desert kites », les cerfs-volants du désert. Mais à quoi servaient-ils et depuis quand sont-ils là ?

Les plus vieux plans

Les archéologues s’emparent de la découverte. Depuis le sol cette fois, ils lèvent le voile des deux énigmes. D’abord, ils interprètent ces structures comme des pièges pour la chasse aux animaux sauvages, les gazelles notamment. Les murs auraient été utilisés pour les diriger vers un enclos ou une fosse, où elles pouvaient être facilement abattues. « Du Kazakhstan jusqu’à la Jordanie, plus de 6.000 structures similaires ont ainsi été recensées », signale le magazine de vulgarisation historique Histoire & Civilisations. Certaines de ces « nasses » auraient aussi pu être utilisées comme enclos pour le bétail. Il restait à savoir à quand remontaient cette pratique et ces constructions. Une découverte récente (2023) allait bientôt permettre de le savoir. En Jordanie, des chercheurs français ont mis au jour une stèle d’un mètre de hauteur. Sur celle-ci, ce qu’ils pensent être « les plus anciens plans connus : des représentations gravées dans la pierre, fidèles, très précises, et à l’échelle de ces immenses enclos », mentionnent les scientifiques dans la mégarevue multidisciplinaire PLOS One. Ces plans ont été gravés il y a 9.000 ans ! Comment, alors que, notamment, ceux qui les ont dessinés ne bénéficiaient d’aucune vue aérienne ? « Sans l’aide de techniques modernes, nous serions incapables de restituer le plan du «  kite  » avec précision comme c’est le cas ici », affirme un des scientifiques français. Le mystère reste entier.

Dans les Andes aussi

Année 2025. Dans son bureau de l’Université d’Exeter, en Angleterre, l’archéologue chilien Adrian Oyaneder Rodriguez est intrigué par les images satellites d’une vallée montagneuse isolée du nord du Chili. « Au début », raconte-t-il dans la revue Antiquity, spécialisée en archéologie, « j’ai vu une multitude de murs, des murs vraiment longs. J’ai commencé à me demander si j’avais besoin de nouvelles lunettes ou d’un nouvel ordinateur. » Une fois sur le terrain et après avoir consulté des rapports péruviens cette fois, le doute n’est plus permis : les structures de pierres avaient servi aux Incas lors de « chasses royales » pour capturer des vigognes, un cousin du lama et de l’alpaga célèbre pour sa laine. Ces pièges construits en altitude ont 6.000 ans. « 76 structures en pierre ont été repérées dans les Andes », mentionne le National Geographic. Afrique du Nord et Moyen-Orient d’un côté, les Andes de l’autre : comment les chasseurs ont-ils développé les mêmes techniques sans aucun contact ? Les cerfs-volants de pierre gardent pour l’instant leur secret… 

Cet article est paru dans le Télépro du 27/11/2025

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