Les flots recèlent une énergie colossale que Jules Verne imaginait déjà. Turbines et barrages tentent aujourd’hui de capter la force des océans. Ce samedi à 22h25, Arte diffuse le documentaire « Les Énergie de la mer, toujours en lice ? ».
Lors de vacances à la mer, chacun a pu expérimenter la force des vagues. Rapportées à l’immensité des océans, qui constituent 70 % de la surface du globe, les forces marines laissent entrevoir une ressource colossale. Et contrairement au soleil et au vent, intermittents par nature, les courants marins ne cessent jamais de circuler. Samedi soir, Arte fait le tour de la question.
Énergie infinie
Sous l’appellation d’énergies marines renouvelables (EMR), plusieurs technologies sont regroupées. L’hydrolien exploite les courants. La marémotrice capte la force des marées. L’houlomotrice utilise vagues et houle. L’énergie thermique des mers joue sur l’écart de température entre les eaux de surface et les eaux profondes. Jules Verne y faisait déjà allusion dans « Vingt mille lieues sous les mers ». Le potentiel est vertigineux. Des experts estiment à 150.000 térawattheures par an l’énergie techniquement exploitable dans le monde marin, soit cinq fois la consommation électrique mondiale actuelle.
Et parmi toutes ces technologies, c’est surtout l’hydrolien qui s’impose. Le principe est simple : les courants marins contiennent de l’énergie cinétique que des turbines immergées transforment en électricité, un peu comme les éoliennes convertissent le vent. L’électricité produite est ensuite transportée vers la côte via des câbles sous-marins. Des exemples ? Il existe le projet du Raz Blanchard, au nord du Cotentin, avec onze hydroliennes à terme. En Écosse, le projet MeyGen comporte quatre turbines géantes plongées à 40 mètres sous la surface, qui exploitent les redoutables courants du détroit de Pentland Firth. Elles alimentent jusqu’à sept mille foyers par an. Mais le projet prévoit à terme jusqu’à 130 turbines !
Géant endormi
Reste que pour le moment, l’océan demeure un géant endormi. La Commission européenne estime qu’il s’agit de « la plus grande ressource renouvelable inexploitée sur Terre ». Elle pense que cette énergie pourrait atteindre 100 gigawatts d’ici à 2050, de quoi alimenter 65 millions de foyers. La Manche, la mer du Nord et la mer d’Irlande offrent un terrain idéal. La Méditerranée est moins prometteuse, hormis le détroit de Messine.
Et la Belgique ? Pour le moment, elle mise sur l’éolien offshore, sur le vent et non sur l’énergie marine à proprement parler. Le projet phare, qui connaît des hauts et des bas, reste la construction de l’île Princesse Élisabeth, une île énergétique artificielle qui servira de hub électrique pour les parcs éoliens.
Obstacles de taille
Mais avant d’imaginer une mer transformée en centrale électrique géante grâce aux énergies marines, de nombreux obstacles se dressent. Le coût d’installation et de maintenance reste très élevé. L’environnement marin est aussi impitoyable : sel, pression et corrosion mettent les matériaux à rude épreuve. Les turbines doivent aussi composer avec les pêcheurs, les routes maritimes et la biodiversité. Par exemple, les usines marémotrices de la Rance, en Bretagne, ont un impact sur leur milieu. Le barrage qui retient la marée descendante perturbe l’écosystème, entraînant envasement et disparition d’espèces.
Les hydroliennes, de leur côté, soulèvent aussi des inquiétudes : bruit, perturbation des fonds marins, peintures toxiques, risque de collisions avec la faune, même si les larges pales sont conçues pour être inoffensives. Les pêcheurs, de leur côté, redoutent de voir leur activité entravée, même si les concepteurs assurent que les zones choisies ne gêneront ni la drague ni le chalutage.
En somme, la mer recèle une énergie inépuisable et prévisible, mais encore difficile à apprivoiser. Si les obstacles sont levés, les énergies marines seront un pilier majeur de la transition énergétique européenne, aux côtés du solaire et de l’éolien.
Cet article est paru dans le Télépro du 2/10/2025