Selon les études à long terme, la plupart des espèces de rapaces augmentent ou sont stables. Sur le court terme, par contre, leur ciel est moins dégagé. Ce mercredi à 19h, Arte diffuse un documentaire intitulé «L’Aigle royal, seigneur des Alpes».
Ils ressemblent à des peluches. Avec leurs yeux ronds comme des billes, ils sont tout en duvet, dodus, replets. Et semblent se serrer fraternellement pour s’apporter chaleur et réconfort sur la photo de famille. Ce sont trois bébés faucons, trois nouveau-nés à peine sortis de leurs coquilles. Cela fait sept ans que leurs parents ont élu domicile à Liège. À événement exceptionnel, berceau exceptionnel, en parfaite harmonie avec leur nom de famille : « pèlerin ». Pour accueillir ses fauconneaux, le couple a choisi le sommet de la tour de la basilique Saint-Martin, la collégiale la plus haute de la Cité ardente. Dans quelques semaines, quand ils quitteront le nid, ils compteront parmi les plus impressionnants volatiles du ciel belge, capables de foncer sur leurs proies, pigeons ou oiseaux migrateurs, à une vitesse de plus de 300 km/h (en piqué). Pourtant, il y a quelques années, leurs semblables avaient pratiquement disparu de nos régions, victimes des pesticides et de la chasse, principalement. Aujourd’hui, les pèlerins sont de retour. Dans nos contrées, les rapaces reviennent de loin.
Le dernier faucon
« L’évolution récente de cette espèce nous montre la capacité de résilience de la faune sauvage et donne un peu d’espoir en l’avenir ! », écrivait, il y a quelques années, sur son site Natagora, l’association de protection de la nature active en Wallonie et à Bruxelles. Ce n’était pas gagné. Après l’âge d’or (dans l’Antiquité, le faucon Horus est une divinité), les choses se compliquent pour le pèlerin. Toujours bien présent en Belgique malgré la démocratisation de la chasse, l’apparition des collectionneurs d’œufs et le développement de la colombophilie (prédateur redouté des pigeons, il est « un ennemi à abattre »), le faucon pèlerin bat de l’aile à partir du XIXe siècle : une cinquantaine de couples seulement sont recensés. Après la Seconde Guerre mondiale, ils ne sont plus que 35. L’après-guerre est fatale à l’espèce, mais aussi à de nombreux autres rapaces. Les pesticides organochlorés (chimiques) utilisés contre les mauvaises herbes, les insectes ou les champignons provoquent la mort des oiseaux, leur stérilité ou des défauts dans les coquilles des œufs. Le taux de natalité diminue. Le dernier jeune faucon pèlerin prend son envol en 1967. Le pèlerin disparaît du ciel de nos régions, comme d’autres espèces de rapaces l’ont fait avant lui.
Le retour du milan
C’est le cas notamment pour les grands-ducs d’Europe et les milans. Les premiers sont réintroduits en 1982. Quant aux milans royaux, portés disparus dès le XIXe siècle, ces membres de la famille des aigles et des buses remontrent le bout de leur bec en Wallonie entre les années 1970 et 1990. Un retour dû à différentes mesures de protection, comme la loi sur la conservation de la nature de 1973, l’interdiction de certains pesticides ou la création de zones de protection. Ils étaient une vingtaine de couples nicheurs en Wallonie dans les années 1980. Ils seraient aujourd’hui plus de 350. Selon Natagora, l’espèce est toutefois en recul, comme les milieux qu’elle affectionne (paysages mixtes de forêts, champs, prairies et étangs). De plus, elle doit faire face à de nouveaux ennemis (les éoliennes et les lignes électriques).
Et les autres ?
À l’heure actuelle, une vingtaine d’espèces de rapaces nichent en Wallonie. Selon le dernier rapport wallon sur l’État de conservation des espèces d’oiseaux (selon le site de la Région, la dernière mise à jour remonte à 2022), les tendances seraient relativement stables, voire en augmentation pour les faucons. Elles seraient par contre plus aléatoires (voire en diminution selon les espèces) pour les éperviers, les aigles (comme le vautour fauve ou le pygargue à queue blanche), les chouettes et les hiboux. À court terme, la situation inquiétante du busard cendré a justifié qu’il soit classé « en danger d’extinction » et figure sur la liste rouge des espèces menacées de Wallonie. Le combat pour la survie des rapaces est loin d’être gagné. Comme le dit le proverbe : « Une main vide ne fera pas revenir le faucon. »
Cet article est paru dans le Télépro du 5/6/2025