
Haïti, la rançon de l’indépendance
Haïti a été la toute première colonie à proclamer son indépendance. Elle en paie encore le prix aujourd’hui…
La mizè. C’est par ce mot que les Haïtiens décrivent leur situation : la misère. Haïti est en effet l’un des pays les plus pauvres de la planète. À la fin du XVIIIe siècle, c’était pourtant l’une des terres les plus riches du monde… Que s’est-il passé ?
Haïti a été la première colonie à obtenir son indépendance, dès 1804. Mais la France lui a fait payer cher. Très cher. Découvrez cette histoire méconnue dans « Haïti, la rançon de l’indépendance », le documentaire proposé ce mardi sur France 2.
La perle des Antilles
C’est un chapitre honteux de l’histoire française… Elle remonte au temps où Haïti s’appelait encore Saint-Domingue. Cette colonie française (depuis le début du XVIIe siècle) était alors considérée comme la perle des Antilles. Pour sa beauté, mais surtout pour sa richesse. En 1789, Saint-Domingue est le premier producteur mondial de café et de sucre. Cette petite colonie d’outre-Atlantique engendre à elle seule une bonne part de ce qu’on appellerait aujourd’hui le PIB (produit intérieur brut, qui mesure l’activité économique d’un pays) de la France. Mais ce succès repose sur une société inégalitaire. Les plantations sont aux mains de quelques colons blancs, qui font travailler des milliers d’esclaves noirs.
Une lueur d’espoir
Pendant ce temps, la Révolution gronde à Paris. Très vite, il est question de déclarer les Droits de l’Homme, puis d’abolir l’esclavage. Cela sème le trouble à Saint-Domingue. D’un côté les colons, qui craignent de perdre une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. De l’autre les esclaves, qui entrevoient une lueur d’espoir…
La révolution
En août 1791, les premiers esclaves se soulèvent. S’ensuit une véritable révolution sous la conduite d’un ancien esclave qui va devenir un héros : Toussaint Louverture. Le conflit perdure de longues années. Jusqu’à ce que Napoléon décide d’envoyer un corps expéditionnaire pour rétablir l’ordre. C’est un échec. En 1804, Haïti réussit à déclarer son indépendance.
Indemniser les colons
A priori, le pays est alors libre et riche. Mais les grands de ce monde vont en décider autrement… D’abord les États-Unis. Craignant que l’exemple haïtien ne fasse tache d’huile, ils mettent Haïti sous embargo. Et puis, la France n’a pas accepté la défaite… En 1825, des navires de guerre français se positionnent devant les côtes haïtiennes. L’Hexagone est prêt à reconnaître l’indépendance de son ancienne colonie… à condition qu’elle indemnise les colons des terres et des esclaves qu’ils ont perdus. Pour préserver sa liberté, Haïti signe. Et s’engage à verser 150 millions de francs-or. Une somme colossale, qui se calculerait aujourd’hui en milliards d’euros.
Endettement en France
Entre 1825 et 1888, Haïti paie traite après traite. Pour ce faire, le pays doit s’endetter – et la France veille à ce que ce soit auprès de banques et autres institutions françaises. Une fois le capital remboursé, restent donc des intérêts colossaux… Qu’Haïti continue à payer pendant une bonne part du XXe siècle. En 2005, la président haïtien estimait que son pays avait ainsi déboursé 21,6 milliards de dollars.
La rançon
Pendant que d’autres nations investissaient dans leur développement, Haïti était contrainte de consacrer une bonne part de ses revenus à indemniser la France. Si d’autres facteurs expliquent la situation économique catastrophique de l’île, la dette française reste au cœur du problème. On parle généralement de « dette de l’indépendance ». En 2015, François Hollande, alors Président, utilise d’autres mots : « la rançon de l’indépendance ».
Cet article est paru dans le Télépro du 8 mai 2025.
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