Sœur du roi d’Angleterre, Henriette-Anne Stuart épouse le frère du roi de France en 1661. Pourtant, la destinée de cette princesse au charme ravageur n’a rien d’un conte de fées…
«Madame se meurt, Madame est morte », s’exclame Bossuet lors de l’oraison funèbre, restée célèbre, de la duchesse d’Orléans à l’été 1670 dans la basilique Saint-Denis. La nécropole des rois de France accueille alors la dépouille d’Henriette-Anne Stuart (1644-1670), dite Madame, première épouse du frère cadet du Roi-Soleil, appelé Monsieur. Qu’est-il arrivé à cette jeune princesse de 26 ans à peine, victime d’un mal soudain et foudroyant ? C’est la question que se pose Stéphane Bern dans « Secrets d’Histoire » ce mercredi à 21h10 sur France 3.
De sang royal anglais et français, la jeune Henriette épouse, à 16 ans, Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV. Sa vie s’annonce alors enfin à la hauteur de son rang, après une enfance jalonnée d’événements tragiques. Dernier enfant du couple royal anglais, la jeune Henriette-Anne, née en pleine révolution anglaise, est séparée très tôt de sa mère, dont la tête est alors mise à prix, avant de connaître une évasion rocambolesque du pays à l’âge de 2 ans, la décapitation de son père Charles Ier et l’exil en France où elle assiste à la Fronde.
Longue agonie
Au début de l’été 1670, alors qu’elle incarne la jeunesse et la vivacité de la Cour, la duchesse d’Orléans est soudain victime d’affreuses douleurs d’estomac. Elle pousse son dernier souffle après une agonie de neuf heures au cours de laquelle elle dit à son confesseur : « Vous voyez bien que l’on m’a empoisonnée ! » Pourtant, l’eau de chicorée, dont elle a bu une tasse, ne cause aucun dommage au chien et à la femme de chambre qui y goûtent. De même, l’autopsie, pratiquée devant une large assistance, ne révèle aucune anomalie, si ce n’est des organes vitaux dans un état déplorable.
Néanmoins, les rumeurs d’empoisonnement se répandent très vite après sa mort inattendue et brutale. La duchesse rentrait alors à peine de Douvres, où elle avait négocié, pour le compte du Roi de France, un traité secret d’alliance avec son frère, le roi Charles II d’Angleterre contre les Provinces-Unies. Cette mission diplomatique aurait-elle pu lui créer des ennemis ?
Rumeurs et soupçons
« Mais sa vie intime est aussi source de querelles. Les misérables relations conjugales entre Henriette et Philippe d’Orléans ne seraient-elles pas à l’origine du drame ? », s’interroge Jean-François Solnon dans « Énigme : l’étrange mort d’Henriette d’Angleterre, belle-sœur de Louis XIV » (Historia). Il faut dire que cette union avec le jeune prince, ouvertement homosexuel, fit couler beaucoup d’encre, tout comme l’indéniable complicité entre le Roi-Soleil et sa belle-sœur, si vive et cultivée. « Il n’en fallait pas davantage pour que la Cour soit aux aguets, épie les rumeurs, tente de percer les secrets », poursuit l’historien. « Occupés aux intrigues, les courtisans n’avaient plus un moment de repos. Monsieur serait-il le mari trompé et jaloux dont on rit dans les comédies ? » Or, de l’avis unanime, le frère du Roi est incapable d’un tel acte.
Les soupçons se portent aussi sur les favoris de Monsieur. En particulier sur le chevalier de Lorraine, « beau comme un ange, mais dénué de sens moral ». Rancunier, celui-ci ne pardonne pas à Henriette de l’avoir fait exiler en Italie. Mais là encore, aucune preuve n’a pu être apportée…
Trois siècles et demi après cette mort toujours mystérieuse, ce vaudeville royal, entouré des théories les plus invraisemblables, permet à cette princesse romanesque du Grand Siècle de ne pas tomber dans l’oubli…
Cet article est paru dans le Télépro du 4/9/2025